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NICOBULE. Eh ! d’où vient ce mépris ?

CHRYSALE. Il est si riche ! il ne sait que faire de son or.

NICOBULE. Il n’a qu’à me le donner. Mais voyons, en présence de qui ce dépôt a-t-il été remis à Théotime ?

CHRYSALE. En présence de tout le monde : il n’y a personne à Éphèse qui ne le sache.

NICOBULE. Mon fils a du moins fait preuve d’esprit en confiant notre or à un homme si riche : on pourra se le faire rendre dès qu'on voudra.

CHRYSALE. Oh ! pour cela, vous êtes sûr et certain de l’avoir le jour même de votre arrivée.

NICOBULE. Je croyais bien, à mon âge, vieux comme je suis, n’avoir plus rien à démêler avec la vie maritime ; mais, je le vois, bon gré mal gré, il m’en faudra tâter encore, grâce à mon aimable hôte, à cet Archidémide. Çà, où est en ce moment mon fils Mnésiloque ?

CHRYSALE. Il est allé sur la place rendre ses devoirs aux dieux et à ses amis.

NICOBULE. Je vais vitement le rejoindre. (Il sort.)



SCÈNE IV. — CHRYSALE.


Bon ! il a sa charge, et plus qu’il n’en peut porter. Voilà une trame bien ourdie pour mettre à son aise notre jeune amoureux. Il peut prendre de l’or tant qu’il en voudra et rendre à son père selon ce que le cœur lui en dira. Le bonhomme s’en ira pour toucher son argent à Éphèse, et nous, nous mènerons ici joyeuse vie, s’il ne lui prend pas fantaisie de nous emmener, Mnésiloque et moi. Comme je vais tout mettre sens dessus dessous ! Mais qu’arrivera-t-il quand le vieux aura découvert le mystère ? quand il saura qu’il a fait une course inutile, et que nous avons dépensé son or ? A quoi dois-je m’attendre ? Certes, en débarquant, il me fera changer de nom, et, au lieu de Chrysale, je m’appellerai Crucisaltor[1]… Ma foi, je me sauverai, si j’y trouve mon profit ! Et que l’on me rattrape : je la lui garde belle : s’il a des verges à la campagne, moi j’ai ici un bon dos... Mais allons instruire notre jeune maître de tout ce que j’ai imaginé pour cet argent et pour sa chère Bacchis que nous avons retrouvée.

  1. C’est-à-dire, qui danse sur la croix.