EUCLION. Ah ! c’est fait de moi ; on me vole mon or, on cherche la marmite. Je suis mort, si je ne cours bien vite au logis. Apollon, par grâce, protège-moi, secours-moi ; perce de tes flèches ces voleurs de trésors ; déjà tu m’as protégé dans une circonstance semblable. Mais quoi ! je perds mon temps ici au lieu de courir avant que ma ruine soit complète ! (Il entre dans la maison.)
Dromon, nettoie les poissons ; toi, Machérion, fends le dos à ce congre et à cette lamproie ; et qu’on se dépêche, qu’il ne reste pas un os à mon retour. Je vais demander une tourtière[1] à Congrion, ici, à côté ; quant à toi, si tu as un peu d’esprit, tu me plumeras ce coq aussi ras qu’un pantomime épilé. Mais , que signifient ces cris chez le voisin ? Sans doute les cuisiniers se sont mis à la besogne. Ma foi, je rentre bien vite, pour qu’il n’y ait pas aussi chez nous du vacarme.
ACTE III.
Chers concitoyens, compatriotes, gens de la ville ou de la banlieue, et vous tous étrangers, faites-moi place, que je me sauve ; que toutes les rues soient libres ! Jamais de ma vie je ne suis venu cuisiner chez un furieux de cette espèce ! Quel bacchanal ! et comme les coups pleuvaient sur mon pauvre dos et sur celui de mes gâte-sauce ! Je suis tout endolori ; je n’en réchapperai pas, tant le vieux drôle s’est escrimé sur moi ! Jamais on n’a fourni le bois plus libéralement ; nous avons eu chacun notre bonne charge, avant d’être jetés dehors. Ah ! ah ! je suis perdu ! malheureux ! notre enragé ouvre la porte, le voilà, il nous poursuit… Je sais ce que j’ai à faire, lui-même me l’a appris.
- ↑ Pour cuire le pain.