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SCÈNE II. — STAPHYLA.


Je ne sais en vérité quel malheur est arrivé à mon maître, ni ce que signifie cette folie. Chasser ainsi une pauvre femme de la maison, et souvent dix foi» dans un jour ! On serait bien, en peine de dire quelle rage le possède ; il ne ferme pas l’œil de toute la nuit, et le jour il reste assis là du matin au soir, comme un savetier bancal. Je ne vois pas comment je pourrai lui cacher la honte de sa fille, qui est déjà tout près d’accoucher ; ce que je ferais de mieux, je crois, ce serait de m’allonger comme un I en me passant la corde au cou.



SCÈNE III. — EUCLION, STAPHYLA.


EUCLION, à part. Allons, je sors l’esprit un peu plus tranquille ; tout est bien en place là dedans, je m’en suis assuré. (À Staphyla.) Rentre à présent, et fais bonne garde.

STAPHYLA. Eh ! qu’ai-je tant à garder ? n’avez-vous pas peur qu’on emporte la maison ? Les voleurs n’ont rien à gagner chez nous ; il n’y a que des trous et des toiles d’araignée.

EUCLION. Ne faut-il pas, triple empoisonneuse, que Jupiter, pour te faire plaisir, me donne les richesses du roi Philippe ou de Darius ? J’entends qu’on me les garde, ces toiles d’araignée. Je suis pauvre, c’est vrai, mais je m’y résigne, et je prends ce que me donnent les dieux. Rentre et ferme la porte ; je reviens, dans l’instant. Ne laisse pénétrer chez moi aucun étranger. Éteins le feu, pour qu’on ne t’en demande pas ; on n’aura pas prétexte d’en venir chercher. S’il brûle encore à mon retour, je t’étouffe sans miséricorde. Si on te demande de l’eau, tu diras qu’elle s’est enfuie. Si on veut un couteau, une hache, un pilon, un mortier, ou quelqu’un de ces objets que les voisins empruntent sans cesse, réponds qu’il est venu des voleurs et qu’ils ont tout enlevé. Quand je n’y suis pas, je veux qu’on ne reçoive personne ; la Fortune même se présenterait, je te défends expressément de lui ouvrir.

STAPHYLA. Ah ! elle se garde assez d’entrer chez nous. Jamais elle ne s’est approchée de notre seuil, toute notre voisine qu’elle est[1].

EUCLION. Tais-toi, et rentre.

  1. Il y avait dans le voisinage un temple de la Fortune.