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ARTÉMONE. Je n’en puis plus ! Comme il l’embrasse, le bourreau ! lui qui n’est plus bon qu’à clouer dans le cercueil !

DÉMÉNÈTE. Par Pollux, ton haleine est un peu plus douce que celle de ma femme.

PHILÉNIE. Elle l’a donc bien mauvaise, dites-moi ?

DÉMÉNÈTE. J’aimerais mieux, s’il le fallait, boire de l’eau d’une sentine que de l’embrasser.

ARTÉMONE. Ah ! vraiment ! il t’en cuira pour cette parole. Patience ! reviens seulement à la maison, et tu verras ce que l’on gagne à insulter une femme qui a une dot.

LE PARASITE. Le pauvre homme, je le plains.

ARTÉMONE. Il n’a que ce qu’il mérite.

ARGYRIPPE, à Déménète. Dites-moi, mon père, est-ce que vous aimez ma mère ?

DÉMÉNÈTE. Moi ? je l’adore en ce moment parce qu’elle n’est pas là.

ARGYRIPPE. Et quand elle est là ?

DÉMÉNÈTE. Je voudrais la voir crever.

LE PARASITE. Voilà un homme qui n’a pas tort, ma foi, de dire qu’il vous aime.

ARTÉMONE. Il sème pour récolter, et, s’il rentre chez nous aujourd’hui, c’est en l’étouffant de baisers que je me vengerai de lui.

ARGYRIPPE. Mon père, jetez les dés, que nous les jetions à notre tour.

DÉMÉNÈTE. Volontiers. Philénie pour moi, un cercueil pour ma femme ! (Il jette les dés). Ah ! le coup de Vénus ! (Aux esclaves.) Enfants, applaudissez, et pour une si belle chance qu’on me verse une pleine coupe.

ARTÉMONE. Ah ! si je pouvais le fouler[1] !…

LE PARASITE. Non : vous n’avez pas appris le métier de foulon. Mais le mieux est de lui sauter aux yeux.

ARTÉMONE, entrant. Non, mon cher mari, je ne mourrai point, et vos souhaits de tout à l’heure vous coûteront cher.

LE PARASITE, à part. Ce serait le moment de courir chercher les croque-morts.

ARGYRIPPE. Bonjour, ma mère.

ARTÉMONE. Gardez votre bonjour.

  1. Il y a ici un jeu de mots presque intraduisible. Artémone dit : Non queo durare, je n'y puis plus tenir. Mais durare, dans le langage des foulons, signifie fouler une étoffe ; de là la réplique du parasite.