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ou, ce qui est plus vraisemblable, non achevée par son auteur, sont une imitation des Phéniciennes d’Euripide. Ce titre, qui a si peu de rapport avec la querelle des fils d’Œdipe et la guerre de Thèbes, s’explique, pour la pièce grecque, par la présence d’un chœur composé de jeunes filles venues de Tyr en Phénicie. Quoique l’on n’ait pas les chœurs de la tragédie latine, et que rien n’indique même quels personnages l’auteur y aurait fait entrer, on ne la publie plus sous le titre de Thébaïde ; la conformité de sujet et l’autorité des meilleurs manuscrits ont fait prévaloir le titre de Phéniciennes.

Indépendamment de la tragédie d’Euripide, nous citerons les ouvrages qui ont un rapport plus ou moins direct avec la pièce de Sénèque : les Sept devant Thèbes d’Eschyle, l’Œdipe à Colone de Sophocle, la Thébaïde de Stace, parmi les anciens ; et chez les modernes, l’Antigone de Rotrou, les Frères ennemis de Racine, et le Polynice d’Alfieri.

v. 14. Jacuit Actœon. Actéon, pour avoir surpris Diane au bain, fut changé en cerf et déchiré par ses chiens.

v. 17. Sorores mater. Agave, avec ses deux sœurs Ino et Antonoé, dont Bacchus avait troublé l’esprit, tuèrent Panthée, roi de Thrace, fils d’Agavé ; et celle-ci lui ayant coupé la tête, la portait au bout de son thyrse. Voyez Théoc., Idylle XVI ; Ovide, Métamorphoses, vers 711 ; Euripide, Bacchantes, vers 1112.

v. 19. Vel qua cucurrit. Amphion et Zéthus, fils d’Antiope et de Jupiter, pour venger leur mère, persécutée par Dircé, femme de Lycus, attachèrent celle-ci à la queue d’un taureau. L’animal furieux, la traînant à travers les rochers du Cithéron, mit en lambeaux le corps de cette malheureuse. Elle tomba enfin dans une fontaine à laquelle on donna son nom, et qui devint sacrée pour les Thébains.

v. 23. Inoa rupes. Athamas, dans un accès de délire, avait écrasé contre un rocher Léarque, son jeune fils. Ino, sa femme, prit la fuite, emportant son second fils dans ses bras. Égarée par la douleur, elle se précipita avec lui dans la mer. Tous deux, suivant la fable, furent changés en divinités marines.

v. 89. Pii quoque erimus. Le pluriel n’est pas, comme on le voit souvent, employé ici pour le singulier, et ne se doit pas entendre d’Œdipe seulement, mais aussi d’Antigone. Antigone sera une fille pieuse ; Œdipe, sensible à cette piété, consentira à vivre, ce qui est pour lui le comble du malheur.

v. 100. Occidere est. Horace, Épitre aux Pisons, v. 464, avait dit en plaisantant :

Invitum qui servat, idem facit occidenti.

Sénèque expose et développe cette pensée dans le sens et selon les opinions stoïciennes. La passion parle dans ce vers de Racine :

Ah ! c’est m’assassiner que me sauver la vie !
Les Frères ennemis, act. V.

v. 124. Quisquis Assyrio loca. Ce prince assyrien est Cadmus, venu en Béotie, non pas d’Assyrie, mais de Phénicie, contrée limitrophe. Cette sorte de confusion est fréquente chez les poètes.

v. 134. Avi gener. Tous les tragiques qui ont parlé d’Œdipe, ou qui l’ont fait parler lui-même, n’ont pas manqué d’exprimer l’horrible complication rappelée ici par notre auteur. Voyez Soph., Œdipe roi, vers 470 ; Euripide, Phéniciennes, vers 1604 ; P. Corneille, Œdipe, acte V, scène 5. Voyez aussi l’Œdipe de Sénèque, vers 635 et suiv.

v. 256. Quas Cithœron noxius. Voyez plus haut, vers 14, 17 et 19, et les notes qui s’y rapportent.

v. 260. Genitorem adortus. Voyez l’Œdipe de notre auteur, vers 768 et suiv. — Il manque quelques mots pour compléter ce vers, et probablement quelques vers pour achever ce premier acte.

v. 325. In bella cunctos. Sans compter Polynice, six chefs conduisirent des troupes au siège de Thèbes. C’étaient Adraste (Sophocle lui substitue un Étéocle d’Argos), Tydée, Capanée, Hippomédon, Amphiaraüs et Parthénopée. Voyez Eschyle, les Sept devant Thèbes, et la Thébaïde de Stace.

v. 358. Date arma patri. Le dernier mot semble indiquer clairement l’usage qu’Œdipe ferait de ces armes : il en frapperait lui-même ses fils. Un tel crime conviendrait à ses mains déjà parricides : ce meurtre répondrait à celui qu’il a commis. Malgré les explications données par les commentateurs, il semble que la pensée qui termine le vers, et qui est développée dans les vers suivants, ne se lie pas naturellement à ce qui précède. Il ne faut pas chercher un enchaînement parfait dans ces fragments d’une œuvre inachevée.

v. 363. Voyez au sujet d’Agave la note relative au vers 17 de cette même tragédie.

v. 368. Feci nocentes. Ce mot, quoiqu’au pluriel, désigne Œdipe, dont elle a fait, sans le savoir, le complice de son inceste.

V. 372. Exsul errat gnatus. Ce fils est Polynice, accueilli par Adraste, roi d’Argos, qui lui a donné sa fille en mariage. L’Argolide s’étendait au nord jusqu’à l’isthme de Corinthe ; c’est ce que le poète explique trois vers plus bas.

v. 390. Aquilaque pugnam. L’aigle ne servait d’enseigne à aucun peuple de la Grèce. Nous avons déjà vu dans Thyeste, vers 396, les Grecs désignés par le nom de Quirites. Ces inadvertances, fréquentes chez Sénèque, se rencontrent dans plus d’un auteur latin.

v. 420. Quis me procellœ. Thyeste (voyez cette tragédie, vers 623) exprime un vœu semblable. Dans Sophocle, Philoctète furieux, désespéré, s’écrie : « Tourbillons impétueux (ou plutôt Harpies), enlevez-moi dans les airs. »

v. 602. Hinc nota Baccho. Ici, suivant l’usage de notre auteur, sont énumérés le Tmole, montagne de Lydie, dont les pentes étaient couvertes de précieux vignobles ; le Pactole, fleuve de Lydie, qui roulait des paillettes d’or ; le Méandre, fameux par ses détours ; l’Hèbre, fleuve de Thrace, que le poète confond peut-être avec l’Hermus, l’un des affluents du Pactole ; le mont Gargare, autour duquel s’étendaient les plaines fécondes de la Troade ; le Xanthe, voisin de Troie ; Ahydos et Sestos, qui s’élevaient en face l’une de l’autre sur les bords de l’Hellespont ; enfin la Lycie, qui avait plusieurs ports sur la mer Ionienne.

v. 647. Cadmus hoc dicet. Voyez Hercule furieux, vers 395.

v. 664. Imperia pretio quolibet. C’est la pensée exprimée par Euripide, dans ces deux vers que César avait souvent à la bouche, et que Cicéron a traduits ainsi :

Si violandum est jus, imperii gratia
Violandum est : aliis in rebus pietatem colas.


IPPOLYTE.

Sénèque a tiré le sujet de sa pièce de l’Hippolyte d’Euripide ; mais il y a ajouté d’heureuses inventions que Racine s’est appropriées, et qui ne sont pas un ornement médiocre de la Phèdre française.

v, 1. Ite, umbrosas cingite. Les lieux désignés au commencement de cette scène font tous partie de l’Attique ; ce qui indique que l’action se passe, non à Trézène, ville de l’Argolide, comme dans l’Hippolyte d’Euripide et dans la Phèdre de Racine, mais dans Athènes même, capitale des États de Thésée. Le mont de Cécrops est ainsi appelé du nom de ce prince égyptien, fondateur d’Athè-