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PLAUTE.

Dém. Cela s’appelle interroger au nom du Dieu delà bonne foi môme ; tu peux m’en croire comme si j’avais fait un serment ; après que tu t’y es pris de cette manière, je n’oserais ni refuser de te répondre, ni m’écarter le moins du monde de la vérité. Dis donc ce que tu veux savoir ; je ne te cacherai rien de ce que je sais.

Lib. Parlons sérieusement, de grâce ; n’allez pas me payer ici d’un mensonge.

Dém. Que demandes-tu donc ?

Lib. Ne me conduisez-vous pas dans cet endroit où une pierre use l’autre en la frottant ?

Dém. De quel endroit parles-tu donc ? Dans quel pays le trouve-t-on ?

Lib. Où de mauvais garnements pleurent, et n’ont qn’une bouillie de farine d’orge pour dîner.

Dém. Je n’entends pas ce que tu veux dire ; j’ignore de quel pays tu me parles. Des vauriens qui dînent de farine d’orge ?

Lib. Je vous parle des îles où l’on trouve beaucoup de bâtons, de chaînes de fer, et où les cuirs de bœufs morts se promènent sur le dos des hommes.

Dém. Je commence à te comprendre, Liban ; tu parles peut-être du lieu où l’on fait la bouillie de farine d’orge.

Lib. Ah ! ce n’est pas là ce que je dis, ni ce que je veux dire. Fi donc ! fi ! Je vous conjure de cracher cette parole.

Dém. Soit ; je fais ce que tu veux. (Il crache.)

Lib. Allons ; crachez fort.

Dém. Est-ce assez ?

Lib. Crachez du plus profond de votre gorge.

Dém. Encore ?

Lib. Plus fort.

Dém. Jusqu’à quand veux-tu me faire cracher ?

Lib. Jusqu’à la mort.

Dém. Paix donc ; tu m’annonces malheur.

Lib. Au contraire, j’entends la mort de votre femme.

Dém. Allons, pour cette bonne parole, je te pardonne.

Lib. Et moi, je vous souhaite tout ce que vous pouvez désirer.

Dém. Écoute-moi à ton tour ; après tout, à quoi bon te menacer pour ne m’avoir pas averti plus tôt ? et pourquoi me fâcher contre mon fils, suivant la coutume des autres pères ?

Lib. Oh ! oh ! qu’est-ce que ce discours nous promet de nouveau ?

Dém. Je sais que mon fils aime, dans notre voisinage, une courtisane nommée Philénie. Hem ! La chose est-elle comme je le dis, Liban ?

Lib. Vous êtes sur la voie. Cela est vrai ; mais le pauvre garçon est attaqué d’une fâcheuse maladie.

Dém. Tu m’attrapes ! Il est malade ?

Lib. Il éprouve une sécheresse de bourse qui l’empêche de faire autant de présents qu’il en promet.

Dém. Et tu l’aides dans ses amours ?

Lib. Oui, vraiment ; et mon camarade Léonide en fait autant.

Dém. Vous faites fort bien tous deux, et je vous en sais bon gré. Mais ma femme, Liban, tu ne sais pas ce qu’elle est ?

Lib. Vous le savez avant nous ; mais nous nous doutons bien de quelque chose.

Dém. J’avoue qu’elle est importune, odieuse.

Lib. Je le crois avant que vous le disiez.

Dém. Liban, si les pères voulaient m’en croire, ils seraient plus complaisants pour leurs fils, et de cette manière ils se les attacheraient, et ils s’en feraient des amis. C’est là mon désir ; je veux être aimé du mien : je veux suivre l’exemple de mon père. Croirais-tu que pour me faire plaisir il se déguisa en matelot, malgré son âge, et trouva moyen, par un tour d’adresse, d’emmener de chez le marchand d’esclaves une jeune fille dont j’étais amoureux, et qu’il me la fit avoir ? Juge si j’en fus reconnaissant ! Eh bien ! je veux suivre l’exemple de mon père, Argyrippe mon fils m’a prié aujourd’hui de