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jours bon, complaisant, gracieux pour tout le monde, évitant de choquer qui que ce fût, il a vécu pour lui, il ne s’est rien refusé ; et tout le monde fait son éloge, tout le monde l’aime. (870) Moi, sans façon, bourru, morose, économe, maussade, avare, j’ai pris femme : quelle galère que le mariage ! J’ai eu des enfants : autres soucis ! Puis j’ai eu à tâche de leur amasser le plus que je pourrais ; je me suis tué le corps et l’âme à faire des économies. Aujourd’hui sur mes vieux jours, je ne recueille pour fruit de mes fatigues (875) que la haine de mes enfants. Mon frère, lui, sans s’être donné le moindre mal, goûte toutes les douceurs de la paternité. C’est lui qu’ils aiment ; moi, ils me fuient ; c’est à lui qu’ils confient leurs secrets ; c’est lui qui est l’objet de leur amour ; c’est chez lui qu’ils sont tous deux : moi l’on m’abandonne. On lui souhaite de longs jours ; on désire ma mort peut-être. Ainsi les enfants que j’ai eu tant de peine à élever, mon frère en a fait ses enfants (880) à peu de frais. Tout le mal est pour moi, le plaisir pour lui. Allons, allons, essayons un peu si je ne pourrai pas aussi trouver de douces paroles et me montrer généreux, puisqu’il m’en porte le défi. Et moi aussi je veux que mes enfants m’aiment et tiennent à moi. S’il ne faut pour cela que de l’argent et des complaisances, je ne resterai pas en arrière. (885) En aurai-je assez ? que m’importe après tout ? Je suis le plus âgé.


SCENE V (Syrus, Déméa)

SY. Hé ! monsieur, votre frère vous prie de ne pas vous éloigner.

DE. Qui m’appelle ? Ah ! c’est toi, mon cher Syrus ; bonjour. Où en est-on ? Comment va la santé ?

SY. Très bien.

DE. (à part) A merveille. Voici déjà pour commencer trois choses que je me suis forcé de dire : « Mon cher ! Où en est-on ? Comment va la santé ? » (haut) (890) Tu es un brave garçon, et je suis tout disposé à faire quelque chose pour toi.

SY. Grand merci.

DE. Je ne te mens pas, Syrus, et tu en verras bientôt la preuve.


SCENE VI (Géta, Déméa)

GE. Bien, madame ; je vais voir chez eux quand ils enverront chercher la nouvelle mariée. Mais voici Déméa. Que les dieux vous gardent !

DE. (895) Ha ! comment t’appelles-tu ?

GE. Géta.

DE. Eh bien ! Géta, je te regarde comme un garçon impayable ; car c’est montrer un véritable dévouement que de prendre les intérêts de son maître comme je te les ai vu prendre aujourd’hui, Géta. Et pour t’en récompenser, si l’occasion s’en présente, (900) je suis tout disposé à faire quelque chose pour toi. (à part) Je tâche d’être gracieux, et j’y réussis assez.

GE. Vous êtes bien bon d’avoir cette opinion de moi.

DE. (à part) Peu à peu je me concilie d’abord la valetaille.


SCENE VII (Eschine, Déméa, Syrus, Géta)

AE. (seul) En vérité ils me font mourir d’ennui, à force de vouloir sanctifier mon mariage ; ils