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MI. On me l’a dit.

DE. Et il faut l’épouser sans dot.

MI. Bien entendu.

DE. Qu’allons-nous faire ?

MI. Ce que les circonstances exigent. (735) On va transporter la jeune fille chez moi.

DE. Grands dieux ! prendre ce parti !

MI. Que puis-je faire de plus ?

DE. Ce que vous pouvez faire ? Si vous n’êtes pas au désespoir de ce qu’il a fait, vous devriez au moins en avoir l’air.

MI. Mais je lui ai déjà promis la jeune fille, c’est chose arrangée. Le mariage va avoir lieu. (740) J’ai calmé toutes les inquiétudes ; voilà ce que je devais faire.

DE. Ainsi vous approuvez sa conduite, mon frère.

MI. Non, si je pouvais la changer ; ne le pouvant pas, j’en prends mon parti. Il en est de la vie comme d’une partie de dés. Si l’on n’obtient pas le dé dont on a le plus besoin, (745) il faut savoir tirer parti de celui que le sort a amené.

DE. L’habile homme ! grâce à vous, voilà vingt mines perdues pour une chanteuse, dont il faut se défaire au plus vite de façon ou d’autre, en la donnant, si on ne peut la vendre.

MI. Point du tout, je ne songe pas à la vendre.

DE. (750) Qu’en ferez-vous donc ?

MI. Je la garderai chez moi.

DE. Grands dieux ! une courtisane et une mère de famille sous le même toit ?

MI. Pourquoi pas ?

DE. Vous vous croyez dans votre bon sens.

MI. Certainement.

DE. Sur mon honneur, du train dont je vous vois aller, je suis tenté de croire que vous la garderez pour chanter avec elle.

MI. (755) Pourquoi pas ?

DE. Et la nouvelle mariée apprendra aussi ces belles choses ?

MI. Sans doute.

DE. Et vous danserez avec elle en menant le branle ?

MI. D’accord.

DE. D’accord !

MI. Et vous aussi, au besoin.

DE. Ah ! c’en est trop ! n’avez-vous pas de honte ?

MI. Allons, mon hère, laissez-nous là cette mauvaise humeur ; (760) prenez un air riant et gai, comme il convient, pour le mariage de votre fils. Je vais les rejoindre un moment, et je reviens.

DE. Grands dieux ! quelle conduite ! quelles mœurs ! quelle folie ! une femme sans dot, une chanteuse à ses crochets, un train de prince, un jeune homme perdu de débauche, (765) un vieillard insensé ! Non, la Sagesse même, quand elle s’en mêlerait, ne viendrait pas à bout de sauver une telle maison.


ACTE CINQUIEME

SCENE I (Syrus, Déméa)

SY. D’honneur, mon petit Syrus, tu t’es agréablement soigné et tu as gaillardement fait ton métier, va. Maintenant que me voilà bien pansé, (770) il m’a pris fantaisie de faire un tour de promenade par ici.

DE. (à part) Voyez un peu le bel échantillon de l’ordre qui règne là-bas !

SY. (à part) Mais voici notre bonhomme. (haut) Hé bien ! quelles nouvelles ? Comme vous avez l’air triste !

DE. Ah ! pendard !

SY. Oh ! oh ! vous allez déjà commencer vos sermons ?

DE. Drôle, si tu m’appartenais…

SY. Vous seriez bien riche, Déméa ; (775) votre fortune serait faite.