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CA. Eschine ? Il sera bientôt ici ; car il ne passe jamais un jour (295) sans venir.

SO. Il est ma seule consolation au milieu de tous mes chagrins.

CA. Oui, puisque cet accident devait arriver à votre fille, c’est encore une chose bien heureuse que le hasard vous ait ainsi servi, et qu’elle ait eu affaire à un jeune homme si bon, si noble, si généreux, d’une si riche famille.

SO. Tu as bien raison, ma foi ? Que les dieux nous le conservent !


SCENE II (Géta, Sostrate, Canthare)

GE. (300) Non, quand tous les hommes ensemble se concerteraient pour parer un tel coup, ils ne pourraient nous être en ce moment d’aucune secours, à ma maîtresse, à sa fille et à moi. Ah ! malheur à nous ! Tant d’infortunes viennent nous assaillir à la fois, sans qu’il y ait moyen de nous en tirer : violence, misère, injustice, abandon, déshonneur ! (305) Siècle maudit ! race de scélérats, de brigands ! O le plus perfide des hommes !

SO. Hélas ! qu’y a-t-il donc, que je vois Géta si troublé, si haletant ?

GE. Ni la foi jurée, ni les serments, ni la pitié n’ont pu le retenir, le ramener, ni l’idée que la malheureuse dont il a si indignement abusé était sur le point de devenir mère.

SO. Je n’entends pas (310) trop ce qu’il dit.

CA. Approchons un peu plus, si vous voulez, Sostrate.

GE. Ah ! malheureux que je suis ! je ne me connais plus, tant je suis exaspéré. Oh ! si je pouvais les rencontrer tous à cette heure, pour décharger sur eux toute ma bile, là, dans le premier moment ! Qu’on me laisse le soin de la vengeance, et je saurai en faire justice. (315) Le vieillard d’abord, je l’étranglerais pour avoir donné le jour à un monstre pareil. Puis Syrus l’instigateur, ah ! que j’aurais de plaisir à le mettre en pièces ! Je l’empoignerais par le milieu du corps, et le jetterais la tête sur le pavé, pour lui faire sauter la cervelle. Le jeune homme, je lui arracherais les yeux, et je le précipiterais quelque part. (320) Les autres, j’aurais bientôt fait de les culbuter, rouler, traîner, assommer, rouer. Mais il faut aller faire part de cette mauvaise nouvelle à ma maîtresse.

SO. Rappelons-le. Géta !

GE. Hein ! Qui que vous soyez, laissez-moi.

SO. C’est moi, Sostrate.

GE. Où est-elle ? — Ah ! c’est vous que je cherche, que je demande ; je ne pouvais vous rencontrer plus à propos, ma chère maîtresse.

SO. Qu’y a-t-il donc ? d’où vient ce trouble ?

GE. Hélas ! hélas !

SO. Tu es tout hors d’haleine, mon pauvre Géta ; (325) remets-toi.

GE. C’est fini…

SO. Comment, fini ? Quoi donc ?

GE. Fini sans ressource ; nous sommes perdus.

SO. Parle donc, de grâce, qu’y a-t-il ?

GE. Désormais.

SO. Eh bien, quoi, désormais ?

GE. Eschine…

SO. Après, Eschine ?

GE. N’est plus qu’un étranger pour nous.