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PLAUTE.

Amph. Blépharon, je t’ai prié de prendre mon parti. Ne t’en va pas.

Bléph. Adieu ! Le moyen que je prenne votre parti ? Je ne sais pour qui me déclarer.

Jup. Je vais rentrer. Alcmène est en mal d’enfant.

Amph., seul. Je n’en puis plus ; je me meurs. Que vais-je devenir ? Mes amis, ceux dont j’ai invoqué l’appui, m’abandonnent. Par Pollux ! Ce coquin, quel qu’il soit, ne me jouera plus impunément. Je vais de ce pas trouver le roi, et lui conter tout ce qui s’est passé. Je saurai bien punir cet imposteur de Thessalien, qui a tourné toutes les têtes dans ma maison. Mais où est-il donc ? Par Pollux ! Je crois qu’il est allé voir ma femme ? Est-il à Thèbes un homme plus malheureux que moi ? Que vais-je faire ? Tout le monde me méconnaît, et me joue comme il lui plaît. C’en est fait ; de gré ou de force j’entre dans la maison. La première personne que je rencontre, serviteur, servante, ma femme, le scélérat qui me déshonore, mon père, mon grand-père, je massacre tout. Jupiter, tous les dieux ensemble, quand ils le voudraient, ne pourraient m’en empêcher. Je ferai ce que j’ai résolu. Allons, entrons.

(On entend la foudre. Amphitryon se jette la face contre terre.)

ACTE CINQUIÈME.
SCÈNE PREMIÈRE.
BROMIA, servante, AMPHITRYON.

Brom. Toutes mes espérances, toutes mes ressources sont perdues ; je ne m’attends plus qu’à des malheurs ; la mer, la terre, le ciel, me semblent conjurés contre moi pour m’accabler, pour me faire périr. Je ne sais que devenir. Quels miracles se sont faits dans notre maison ! Ah ! malheureuse que je suis ! Je vais me trouver mal !… Un peu d’eau me ferait du bien. Je suis étourdie, je suis abîmée. La tête me fait mal ; je n’entends pas ; je ne vois rien. Non, il n’y a pas de femme au monde plus à plaindre que moi. Je ne comprends rien à ce qui vient d’arriver à ma maîtresse. A u moment où elle éprouve les douleurs de l’enfantement, elle invoque les dieux. Tout d’un coup, quel bruit, quel fracas, quel tonnerre ! Jamais je ne n’en ai entendu de semblables. Nous sommes tous tombés de frayeur sur la place. Alors, sans voir personne, j’ai entendu une voix très-forte s’écrier : « Ne crains rien, Alcmène ; on vient à ton secours ; un dieu propice à toi et aux tiens est présent. Et vous que la frayeur a fait tomber par terre, levez— vous. » Je me lève en effet, et je crois voir la maison tout en feu, tant elle était remplie d’une lumière brillante. Alors Alcmène m’appelle ; sa voix me pénètre de terreur. Mais la crainte que j’avais pour elle l’emporte ; j’accours pour savoir ce qu’elle veut de moi ; en m’approchant, je vois qu’elle est accouchée de deux fils ; et aucun de nous n’en savait rien ; aucun ne s’était aperçu du moment où elle était accouchée… Mais que vois-je ? Quel est ce vieillard qui est ainsi couché devant notre porte ? Est-ce que Jupiter l’aurait frappé de sa foudre ? Je le crois, en vérité ; car il est étendu là comme s’il était mort. Approchons, et voyons qui ce peut être. Hé ! c’est Amphitryon mon maître ? C’est lui-même. Amphitryon !

Amph. Je suis perdu.

Brom. Levez-vous.

Amph. Je suis mort.

Brom. Donnez-moi votre main.

Amph. Qui êtes-vous, vous qui me touchez ?

Brom. Bromia, votre fidèle servante.

Amph. Je suis frappé d’épouvante ; Jupiter a tonné sur moi ; il me semble revenir du fond des