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AE. Je prétends même qu’on ne peut la vendre (195) parce qu’elle est libre, et je soutiendrai en justice qu’elle l’est effectivement. Vois maintenant si tu veux rentrer dans tes fonds, ou plaider. Décide-toi pendant que je vais m’absenter un moment, faquin.

SCENE II (Samnion seul)

O grand Jupiter ! je ne m’étonne plus qu’il y ait des gens qui deviennent fous à force de mauvais traitements. Il m’arrache de ma maison, me roue de coups, m’enlève mes esclaves malgré moi, (200) m’applique plus de cinq cents soufflets à me rompre la mâchoire, et par-dessus le marché il exige que je lui cède cette fille au prix coûtant. Puisque je lui ai tant d’obligations, soit ; sa requête est trop juste. Allons, je ne demande pas mieux, pourvu qu’il me rende mon argent. Mais je prévois une chose. A peine aurai-je dit, C’est tant, il aura ses témoins (205) tout prêts à venir affirmer que j’ai vendu ; d’argent, on vous en souhaite. « Tantôt ; revenez demain. » Je veux bien encore en passer par là, pourvu qu’il paye ; et pourtant c’est révoltant ! Mais je fais une réflexion qui est juste : dans notre métier, il faut se résoudre à souffrir toutes les avanies des jeunes gens, sans souffler. —— Mais personne ne me payera, et tous les calculs que je fais là sont des calculs en l’air.

SCENE III (Syrus, Sannion)

SY. (210) (à Eschine) Il suffit ; je lui parlerai moi-même, je m’en charge. Il s’estimera bien heureux de recevoir son argent, et je veux qu’il vous dise merci. —— Eh bien ! qu’est-ce que j’apprends là, Sannion ? Qu’il y a eu je ne sais quel débat entre toi et mon maître ?

SA. Je n’ai jamais vu débat où la partie fût moins égale. Nous n’en pouvons plus tous les deux, lui d’avoir battu, moi d’avoir été assommé.

SY. (215) C’est ta faute.

SA. Que devais-je faire ?

SY. Avoir plus de complaisance pour un jeune homme.

SA. Pouvais-je mieux faire que de lui tendre la joue, comme je l’ai fait, tant qu’il l’a voulu ?

SY. Tiens, je vais te dire une grande vérité. On gagne quelquefois beaucoup à savoir perdre à propos.

SA. Oh ! oh !

SY. Tu as craint qu’en te relâchant un peu de tes droits pour faire plaisir à mon jeune maître, cela ne te fût pas rendu avec usure, (220) imbécile que tu es.

SA. Je n’achète pas l’espérance argent comptant.

SY. Tu ne feras jamais fortune. Va, tu ne sais pas amorcer ton monde, Sannion.

SA. Cela vaudrait mieux, je crois ; mais je n’y entends pas finesse, et j’ai toujours préféré accrocher tout de suite, vaille que vaille, ce que je pouvais.

SY. A d’autres ; je te connais bien. Comme si vingt mines étaient quelque chose pour toi, (225) quand il s’agit de l’obliger ! D’ailleurs on dit que tu pars pour l’île de Chypre.

SA. Ah !

SY. Que tu as acheté force marchandises pour