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SA. Mais marchand de bonne foi, s’il en fut jamais. Vous aurez beau dire après, pour vous excuser, que vous êtes fâché de l’aventure ; je n’en ferai pas plus de cas que de cela. (Il fait claquer ses doigts) Soyez sûr que je défendrai mon bon droit, (165) et que vous ne me payerez pas avec de belles paroles le mal que vous m’avez fait en réalité. Je connais toutes vos défaites. « J’en suis au désespoir ; je proteste que c’est une indignité dont vous n’étiez pas digne. » Oui, quand vous m’aurez traité indignement. AE. (à Parménon) Va devant, va vite, et ouvre la porte.

SA. C’est comme si vous chantiez.

AE. (à Callidie) Entrez maintenant.

SA. Je ne le souffrirai pas, vous dis-je.

AE. Viens ici, Parménon ; (170) tu t’éloignes trop de ce drôle. Mets-toi là, près de lui. Bien, c’est cela. Maintenant, que tes yeux ne quittent plus les miens ; et, au premier signe que je ferai, applique-lui ton poing sur la figure.

SA. Ah ! je voudrais bien voir cela. (Parménon le frappe)

AE. Tiens, attrape. Lâcheras-tu cette femme ?

SA. Mais c’est une horreur !

AE. Prends garde ; il va recommencer. (Parménon le frappe encore)

SA. Aïe, aïe !

AE. (175) (à Parménon) Je ne t’avais pas fait signe ; mieux vaut pourtant pécher de cette façon que d’une autre. Va-t’en maintenant. (Parménon emmène l’esclave)

SA. Qu’est-ce que cela signifie ? Etes-vous donc roi ici, Eschine ?

AE. Si je l’étais, je te ferais arranger comme tu le mérites.

SA. Qu’avez-vous donc à démêler avec moi ?

AE. Rien.

SA. Me connaissez-vous seulement ?

AE. Je n’en ai guère envie.

SA. Ai-je jamais rien touché de ce qui vous appartient ?

AE. Si tu l’avais fait, tu t’en trouverais fort mal.

SA. (180) Et de quel droit alors vous est il plus permis de m’enlever une esclave que j’ai payée de mon argent ? Dites.

AE. Tu ferais bien mieux de ne pas tant criailler devant notre porte ; car si tu continues à m’impatienter, je te fais emporter au logis, et l’on t’y éreintera à coups d’étrivières.

SA. Les étrivières à un homme libre ?

AE. Oui, les étrivières.

SA. (185) Quelle infamie ! et l’on viendra dire qu’ici la loi est égale pour tous !

AE. Si tu as assez fait l’enragé, faquin, écoute-moi un peu, je te prie.

SA. Quel est donc l’enragé de nous deux ?

AE. Laissons cela, et venons au fait.

SA. Au fait ? Mais à quel fait ?

AE. Veux-tu que je te parle dans ton intérêt ?

SA. Volontiers, pourvu que vous soyez un peu raisonnable.

AE. Ah ! ah ! un marchand d’esclaves qui veut que je sois raisonnable avec lui !

SA. Marchand d’esclaves, c’est vrai, je le suis ; je suis la ruine des jeunes gens, (190) un voleur, un fléau public ; mais enfin je ne vous ai fait aucun tort.

AE. Vraiment il ne manquerait plus que cela.

SA. Revenons, de grâce, à ce que vous vouliez dire, Eschine.

AE. Cette femme, tu l’as achetée vingt mines ; et puisse-t-il t’en arriver malheur ! Eh bien ! on te rendra ton argent.

SA. Mais si je ne veux pas vous la vendre, moi, m’y forcerez-vous ?

AE. Non certainement.

SA. C’est que j’en avais peur.