Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/65

Cette page n’a pas encore été corrigée
27
AMPHITRYON.

Amph. J’entends Blépharon ; je m’étonne qu’il vienne. Mais il arrive à propos. Il m’aidera à convaincre mon épouse de sa honte. Pourquoi venez-vous ici, Blépharon ?

Bléph. Avez-vous sitôt oublié que vous avez envové de très-grand matin Sosie au vaisseau, pour m’inviter à venir dîner avec vous aujourd’hui ?

Amph. Je ne l’ai point envoyé du tout. Mais où est-il, ce scélérat.

Bléph. Qui ?

Amph. Sosie.

Bléph. Le voilà.

Amph. Ou ?

Bléph. Devant vos yeux. Ne le voyez-vous pas ?

Amph. Je vois à peine, tant je suis en colère ! tant ce misérable m’a mis hors de moi ! Tu ne m’échapperas pas ; je te tuerai… Laissez-moi, Blépharon.

Bléph. Écoutez, je vous prie.

Amph. Parlez, je vous écoute. Mais toi, prends ceci. (Il bat Sosie.)

Sos. Qu’ai-je donc fait ? Ne suis-je pas arrivé assez tôt ? Je n’aurais pu venir plus vite, quand j’aurais eu les ailes de Dédale.

Bléph. Laissez-le, de grâce. Il nous a été impossible de venir à plus grands pas.

Amph. Qu’il soit venu aussi vite que sur des échasses, ou qu’il ait été aussi lent qu’une tortue, il faut que je l’assomme. Voilà, pour le toit ; voilà pour les tuiles ; voilà pour m’avoir fermé la porte ; voilà pour t’être moqué de ton maître ; voilà pour les injures que tu m’as dites.

Bléph. Quel mal vous a-t-il fait ?

Amph. Vous me le demandez ? Il a eu l’infamie de m’exclure de la maison, de me jeter des tuiles du haut du toit.

Sos. Moi ?

Amph. Toi-même. De quoi osais-tu me menacer, si je frappais à cette porte ? Le nieras-tu, scélérat ?

Sos. Sans doute, je le nie. Heureusement j’ai un témoin à produire, avec qui je suis venu. Je vous l’ai amené : j’ai fait ma commission.

Amph. Qui t’a donné cette commission, pendard ?

Sos. Vous-même.

Amph. Quand ?

Sos. Ce matin, tantôt, lorsque vous avez été raccommodé avec votre épouse.

Amph. Bacchus te fait déraisonner.

Sos. Malheureusement je n’ai salué aujourd’hui ni Bacchus ni Cérès. Vous aviez ordonné de nettoyer les vases sacrés pour faire un sacrifice ; et vous m’avez envoyé chercher Blépharon pour qu’il dînât avec vous.

Amph. Je veux mourir, mon cher Blépharon, si je suis entré chez moi depuis mon retour, et si j’ai envoyé ce maraud. Parle ; où m’as-tu quitté ?

Sos. Au logis, avec Alcmène votre épouse. En vous quittant, j’ai volé jusqu’au port, et j’ai fait votre invitation à Blépharon. Nous arrivons ; et voilà le premier instant où je vous vois depuis ma course.

Amph. Infâme coquin ! tu m’as laissé avec ma femme ? Tu ne t’en iras pas sans être étrillé d’importance.

Sos. Blépharon ?

Bléph. Allons, Amphitryon ; à ma considération, laissez-le, et veuillez m’entendre.

Amph. Eh bien ! soit. Parlez.

Bléph. Ce pauvre Sosie m’a déjà conté des prodiges incroyables. Peut-être quelque magicien, quelque homme à prestiges exerce son pouvoir sur votre maison ; faites de votre côté des recherches ; voyez d’où ceci peut venir. Et n’assommez pas ce malheureux avant d’avoir éclairci cet étrange mystère.

Amph. Je veux suivre votre conseil. Allons ; je veux d’abord que vous me serviez de témoin contre ma femme.