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PLAUTE.

Personne de sa maison ne pourra voir ces signes ; vous seul les verrez. Mais voici Sosie, l’esclave d’Amphitryon, qui arrive du port, une lanterne à la main. Je vais l’écarter tout de suite de la maison où il s’apprête à entrer. Le voici qui frappe à la porte. Vous prendrez sûrement plaisir à voir Jupiter et Mercure devenus comédiens pour vous divertir.

ACTE PREMIER.
SCÈNE PREMIÈRE.
MERCURE, SOSIE.

Sos., sans voir Mercure. Est-il quelqu’un plus hardi, plus déterminé que moi ? Je connais les mœurs de nos jeunes gens, et j’ose aller seul à cette heure de la nuit ! Si les triumvirs me rencontraient, et me faisaient fourrer en prison[1] ! On me tirerait demain de leur cage, pour me donner les étrivières, sans écouter seulement mes raisons ; et mon maître ne viendrait pas le moins du monde à mon secours. Huit[2] hommes des plus robustes frapperaient sur mon dos comme sur une enclume ; et chacun applaudirait, en disant que je l’ai bien mérité. Voyez un peu la belle réception que j’aurais là à mon retour ! Voilà pourtant à quoi m’expose l’impatience de mon maître, qui m’a forcé à partir du port à l’entrée de la nuit. Ne pouvait-il pas aussi bien m’envoyer le jour ? C’est auprès des grands que le sort d’un esclave est rude ; il n’est rien de pire que de servir un homme riche ; le jour, la nuit, il a toujours quelque prétexte pour troubler votre repos, toujours quelque chose à faire, quelque chose à dire. Un maître riche par votre travail, sans rien faire lui-même, croit possible et raisonnable tout ce qui lui passe dans la tête ; peu lui importe si nous sommes exténués, si ce qu’il commande est juste ou non. Ne sommes-nous pas faits pour tout souffrir, pauvres esclaves ! Il faut porter notre fardeau, bon gré, mal gré.

Merc, à part. Ce serait plutôt à moi de me plaindre d’être esclave, moi qui le suis pour la première fois ! Ce faquin, né dans la servitude, esclave comme l’était son père, a bonne grâce à faire ses doléances ! il est vrai que je ne suis esclave que de nom.

Sos. Pendant que j’y pense, rendons grâces aux dieux de m’avoir conduit à bon port, et adressons-leur une petite prière. En vérité, s’ils me traitaient selon mon mérite, ils me dépêcheraient quelque gaillard, pour me bien rosser ; car jamais leurs bienfaits n’ont obtenu de moi un seul remercîment.

Merc, à part. Au moins il se rend justice ; cela n’est pas commun.

Sos. Je n’aurais jamais espéré, ni aucun de nos citoyens non plus, le bonheur qui. nous arrive, de revenir chez nous sains et saufs. Nos légions victorieuses vont être bientôt de retour, après avoir éteint une guerre terrible dans le sang des ennemis. Cette ville, qui avait causé tant de désastres, ravi tant de citoyens au peuple thébain, a été prise d’assaut par le courage de nos soldats, sous les ordres et la conduite de mon maître Amphitryon. Il a distribué à ses concitoyens un riche butin, des terres, du froment ; et il affermit Créon sur son trône. Il m’a envoyé du port à la maison, pour annoncer à sa femme toutes ces bonnes nouvelles, et avec quel succès la république a été sauvée sous son commandement et par son génie ; mais voyons un peu comment je vais commencer mon récit en

  1. Les triumvirs étaient chargés de la police pendant la nuit.
  2. Les huit licteurs attachés à ces triumvirs.