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pas vrai tout d’abord que ce n’est pas réellement le même homme qu’il a pris, puisque c’est d’un homme dissemblable qu’il s’est approché ?

THÉÉTÈTE

Oui.

SOCRATE

C’est donc d’autres produits qui ont été engendrés par Socrate en cet état et par l’absorption du vin, du côté de la langue une sensation d’amertume, et du côté du vin une amertume qui s’y engendre et passe dans la langue. L’un, le vin, est devenu, non pas amertume, mais amer, et moi, non point sensation, mais sentant.

THÉÉTÈTE

Assurément.

SOCRATE

Pour moi, je ne sentirai jamais aucune autre chose comme je sens celle-là ; car si l’agent est autre, la sensation est autre, et elle modifie et rend autre celui qui senti et l’agent qui me cause cette sensation ne pourra jamais en s’unissant à autre chose engendrer le même produit et devenir le même, puisque, s’il engendre un autre produit d’un autre conjoint, il deviendra autre.

THÉÉTÈTE

C’est exact.

SOCRATE

Et ni moi, je ne deviendrai tel par moi seul, ni lui par lui seul.

THÉÉTÈTE

Assurément non.

SOCRATE

Mais il est nécessaire, quand je deviens sentant, que je le devienne de quelque chose ; car il est impossible de devenir sentant, si l’on ne sent rien. Et de même l’agent, quand il devient doux ou amer ou quelque chose du même genre, le devient forcément pour quelqu’un : car il est impossible de devenir doux, si l’on n’est doux pour personne.

THÉÉTÈTE

Cela est certain.

SOCRATE

Reste donc, ce me semble, que nous sommes ou devenons, selon le cas, dans un mutuel rapport, puisque nous sommes liés l’un à l’autre par l’inévitable loi de