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d’eau qui ruissellent du pourtour ; mais elle fournissait alors à toute la ville une eau abondante, également saine en hiver et en été. Tel était le genre de vie de ces hommes qui étaient à la fois les gardiens de leurs concitoyens et les chefs avoués des autres Grecs. Ils veillaient soigneusement à ce que leur nombre, tant d’hommes que de femmes, déjà en état ou encore en état de porter les armes, fût, autant que possible, constamment le même, c’est-à-dire environ vingt mille.

Voilà donc quels étaient ces hommes et voilà comment ils administraient invariablement, selon les règles de la justice, leur pays et la Grèce. Ils étaient renommés dans toute l’Europe et toute l’Asie pour la beauté de leurs corps et les vertus de toute sorte qui ornaient leurs âmes, et ils étaient les plus illustres de tous les hommes d’alors. Quant à la condition et à la primitive histoire de leurs adversaires, si je n’ai pas perdu le souvenir de ce que j’ai entendu raconter étant encore enfant, c’est ce que je vais maintenant vous exposer, pour en faire partager la connaissance aux amis que vous êtes.

Mais, avant d’entrer en matière, j’ai encore un détail à vous expliquer, pour que vous ne soyez pas surpris d’entendre des noms grecs appliqués à des barbares. Vous allez en savoir la cause. Comme Solon songeait à utiliser ce récit pour ses poèmes, il s’enquit du sens des noms, et il trouva que ces Égyptiens, qui les avaient écrits les premiers, les avaient traduits dans leur propre langue. Lui-même, reprenant à son tour le sens de chaque nom, le transporta et transcrivit dans notre langue. Ces manuscrits de Solon étaient chez mon grand-père et sont encore chez moi à l’heure qu’il est, et je les ai appris par coeur étant enfant. Si donc vous entendez des noms pareils à ceux de chez nous, que cela ne vous cause aucun étonnement : vous en savez la cause.

Et maintenant voici à peu près de quelle manière commença ce long récit. Nous avons déjà dit, au sujet du tirage au sort que firent les dieux, qu’ils partagèrent toute la terre en lots plus ou moins grands suivant les pays et qu’ils établirent en leur honneur des temples et des sacrifices. C’est ainsi que Poséidon, ayant eu en partage l’île Atlantide, installa des enfants qu’il avait eus d’une femme mortelle dans un endroit de cette île que je vais décrire. Du côté de la mer, s’étendait, par le milieu de l’île entière, une plaine qui passe pour avoir été la plus belle de toutes les plaines et fertile par excellence. Vers le centre de cette plaine, à une distance d’environ cinquante stades, on voyait une montagne qui était partout de médiocre altitude. Sur cette montagne habitait un de ces hommes qui, à l’origine, étaient, en ce pays, nés de la terre. Il s’appelait Événor et vivait avec une femme du nom de Leucippe. Ils engendrèrent une fille unique, Clito, qui venait d’atteindre