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pour la nourriture et ceux de la partie la plus divine de nous-mêmes pour la sagesse, les mouvements de la partie la plus forte l’emportent sur ceux de l’autre et augmentent sa part d’influence, et, rendant l’âme stupide, lente à apprendre et prompte à oublier, ils y engendrent la plus grave des maladies, l’ignorance. Contre ce double mal, il n’y a qu’un moyen de salut, ne pas exercer l’âme sans le corps, ni le corps sans l’âme, afin que, se défendant l’un contre l’autre, ils s’équilibrent et conservent la santé. Il faut donc que celui qui veut s’instruire ou qui s’applique fortement à n’importe quel travail intellectuel donne en retour de l’exercice à son corps par la pratique de la gymnastique et que, de son côté, celui qui façonne soigneusement son corps donne en compensation de l’exercice à son âme, en étudiant la musique et la philosophie dans toutes ses branches, s’ils veulent l’un et l’autre mériter qu’on les appelle à la fois bons et beaux.

C’est d’après ces mêmes principes qu’il faut aussi prendre soin des parties de soi-même, en imitant la forme de l’univers. Comme le corps est échauffé et refroidi intérieurement par les substances qui entrent en lui et qu’il est desséché et humecté par les objets extérieurs, et que, sous l’action de ces doubles mouvements, il subit les effets qui suivent ces modifications, lorsqu’on abandonne aux mouvements un corps en repos, il est vaincu et périt. Si, au contraire, on imite ce que nous avons appelé la nourrice et la mère de l’univers, si on met le plus grand soin à ne jamais laisser le corps en repos, si on le remue et si, en lui imprimant sans cesse certaines secousses en toutes ses parties, on le défend, conformément à la nature, contre les mouvements intérieurs et extérieurs, et si, en le secouant ainsi modérément, on établit entre les affections qui errent dans le corps et ses parties un ordre conforme à leurs affinités, conformément à ce que nous avons dit plus haut à propos du tout, il ne placera pas un ennemi à côté d’un ennemi et ne leur permettra pas d’engendrer dans le corps des guerres et des maladies, mais il mettra un ami à côté d’un ami et leur fera entretenir la santé.

Or de tous les mouvements le meilleur est celui qu’un corps produit par lui-même en lui-même, parce que c’est celui qui est le plus proche parent du mouvement de l’intelligence et de celui de l’univers. Le mouvement qui vient d’un autre agent est moins bon, mais le pire est celui qui, venant d’une cause étrangère, meut le corps partiellement pendant qu’il est couché et en repos. Aussi, de tous les moyens de purger et de conforter le corps, le meilleur consiste dans les exercices gymnastiques ; vient ensuite le balancement qu’on éprouve en bateau ou dans tout autre véhicule qui ne fatigue point le corps. Une troisième espèce de mouvement, qui peut être utile dans certains