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ments, que naissent nécessairement toutes ces images, parce que le feu de la face réfléchie se fond avec le feu de la vue sur la surface polie et brillante. Mais ce qui est à gauche apparaît à droite, parce qu’un contact a lieu entre les parties opposées du courant visuel et les parties opposées de l’objet, contrairement à ce qui se passe d’habitude dans la rencontre. Au contraire, la droite paraît à droite et la gauche à gauche, quand le rayon visuel change de côté, en se fondant avec la lumière avec laquelle il se fond, et cela arrive quand la surface polie des miroirs, se relevant de part et d’autre, renvoie la partie droite du courant visuel vers la gauche et la gauche vers la droite. Si le miroir est tourné de façon que la courbure soit placée suivant la longueur du visage, il le fait paraître tout entier renversé, parce qu’alors il renvoie le rayon visuel du bas vers le haut et celui du haut vers le bas.

Tout cela se classe parmi les causes secondaires dont Dieu se sert pour réaliser, autant qu’il est possible, l’idée du meilleur. Mais la plupart des hommes les tiennent, non pour des causes secondaires, mais pour les causes primaires de toutes choses, parce qu’elles refroidissent et échauffent, condensent et dilatent et produisent tous les effets du même genre. Or elles sont incapables d’agir jamais avec raison et intelligence. Car il faut reconnaître que l’âme est le seul de tous les êtres qui soit capable d’acquérir l’intelligence, et l’âme est invisible, tandis que le feu, l’eau, la terre et l’air sont tous des corps visibles. Or quiconque a l’amour de l’intelligence et de la science doit nécessairement chercher d’abord les causes qui sont de nature intelligente, et en second lieu celles qui sont mues par d’autres causes et qui en meuvent nécessairement d’autres à leur tour. C’est ainsi que nous devons procéder, nous aussi. Il faut parler des deux espèces de causes, mais traiter à part celles qui agissent avec intelligence et produisent des effets bons et beaux, puis celles qui, destituées de raison, agissent toujours au hasard et sans ordre.

En voilà assez sur les causes secondaires qui ont contribué à donner aux yeux le pouvoir qu’ils possèdent à présent. Il nous reste à parler de l’office le plus important qu’ils remplissent pour notre utilité, office pour lequel Dieu nous en a fait présent. La vue est pour nous, à mon sens, la cause du plus grand bien, en ce sens que pas un mot des explications qu’on propose aujourd’hui de l’univers n’aurait jamais pu être prononcé, si nous n’avions pas vu les astres, ni le soleil, ni le ciel. Mais, en fait, c’est la vue du jour et de la nuit, des mois, des révolutions des armées, des équinoxes, des solstices qui nous a fait trouver le nombre, qui nous a donné la notion du temps et les moyens d’étudier la nature du tout. C’est de la vue que nous tenons la philosophie, le bien le plus précieux que le genre humain ait reçu et puisse recevoir jamais de la munificence des