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encore aujourd’hui à leur sujet, la question, s’il en faut dire mon avis, n’est pas moins facile à trancher. Quoi qu’il en soit, laissons cela de côté, jusqu’à ce que nous trouvions un homme capable de nous révéler de quelle nature étaient les goûts de cette époque au regard de la science et de l’emploi de la parole. Quant à la raison pour laquelle nous avons réveillé cette fable,. c’est le moment de la dire, afin que nous puissions ensuite avancer et finir notre discours.

Lorsque le temps assigné à toutes ces choses fut accompli, que le changement dut se produire et que la race issue de la terre fut entièrement éteinte, chaque âme ayant payé son compte de naissances en tombant dans la terre sous forme de semence autant de fois qu’il lui avait été prescrit, alors le pilote de l’univers, lâchant la barre du gouvernail, se retira dans son poste d’observation, et le monde rebroussa chemin de nouveau, suivant sa destinée et son inclination native. Dès lors tous les dieux qui, dans chaque région, secondaient la divinité suprême dans son commandement, en s’apercevant de ce qui se passait, abandonnèrent à leur tour les parties du monde confiées à leurs soins. Dans ce renversement, le monde se trouva lancé à la fois dans les deux directions contraires du mouvement qui commence et du mouvement qui finit, et, par la violente secousse qu’il produisit en lui-même, il fit périr encore une fois des animaux de toute espèce. Puis, lorsque après un intervalle de temps suffisant il eut mis un terme aux bouleversements, aux troubles, aux secousses qui l’agitaient et fut entré dans le calme, il reprit, d’un mouvement réglé, sa course habituelle, surveillant et gouvernant de sa propre autorité et lui-même et ce qui est en lui et se remémorant de son mieux les instructions de son auteur et père. Au commencement, il les exécutait assez exactement, mais à la fin avec plus de négligence. La cause en était l’élément corporel qui entre dans sa constitution et le défaut inhérent à sa nature primitive, qui était en proie à une grande confusion avant de parvenir à l’ordre actuel. C’est, en effet, de son organisateur que le monde a reçu ce qu’il a de beau ; mais c’est de sa condition antérieure que viennent tous les maux et toutes les injustices qui ont lieu dans le ciel ; c’est d’elle qu’il les tient et les transmet aux animaux. Tant qu’il fut guidé par son pilote dans l’élevage des animaux qui vivent dans son sein, il produisait peu de maux et de grands biens ; mais une fois détaché de lui, pendant chaque période qui suit immédiatement cet abandon, il administre encore tout pour le mieux ; mais à mesure que le temps s’écoule et que l’oubli survient, l’ancien désordre domine en lui davantage et, à la fin, il se développe à tel point que, ne mêlant plus que peu de bien à beaucoup de mal, il en arrive à se mettre en danger de périr lui-même et tout ce qui est en lui. Dès lors le dieu qui l’a organisé, le voyant en détresse, et craignant qu’assailli et dissous par le