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XVIII. — A cette question, Socrate, répondit Protagoras, la réponse est facile : la vertu est une, et les qualités dont tu parles en sont des parties.

— En sont-elles, dis-je, des parties au même titre que la bouche, le nez, les yeux, les oreilles sont des parties du visage, ou sont-elles comme les parties de l’or, qui ne diffèrent les unes des autres et du tout que sous le rapport de la grandeur et de la petitesse ?

— Elles sont comme les premières, ce me semble, Socrate, c’est-à-dire comme les parties du visage à l’égard du visage entier.

— Les hommes, continuai-je, ont-ils part, les uns à telle des parties de la vertu, les autres à telle autre, ou faut-il nécessairement, quand on en possède une, qu’on les ait toutes ?

— Pas du tout, dit-il, puisque l’on voit souvent des hommes courageux qui sont injustes ou des hommes justes qui ne sont pas sages.

— Ce sont donc aussi, dis-je, des parties de la vertu, la sagesse et le courage ?

— Rien n’est plus certain, répliqua-t-il, et la sagesse est la plus importante de ces parties.

— Et chacune de ces parties, demandai-je, est différente de l’autre ?

— Oui.

— Est-ce que chacune d’elles a aussi sa propriété, comme les parties du visage ? L’oeil n’est pas tel que l’oreille et n’a pas la même propriété, et aucune autre partie n’est pareille à une autre ni pour la propriété ni pour tout le reste. En est-il donc de même des parties de la vertu ? ne sont-elles pas, elles aussi, différentes l’une de l’autre et en elles-mêmes et dans leur propriété ? N’est-il pas évident qu’elles le sont, s’il faut suivre jusqu’au bout là comparaison ?

— C’est vrai, Socrate, dit-il.

— Alors, dis-je, parmi les parties de la vertu, il n’y en a pas une qui soit pareille à la science, à la justice, ni au courage, ni à la tempérance, ni à la sainteté ?

— Non, dit-il.

— Eh bien, alors, repris-je, examinons ensemble ce qu’est chacune d’elles. Commençons par la justice : est-elle quelque chose de réel, ou n’est-elle rien ? Pour moi, je trouve que c’est quelque chose de réel. Et toi ?

— Moi aussi, dit-il.

— Eh bien, si quelqu’un nous disait à tous deux : Dites-moi, Protagoras et Socrate, ce que vous avez nommé tout à l’heure la justice est-elle en soi juste ou injuste ? moi je lui répondrais qu’elle est juste. Et toi, ajouterais-tu ton suffrage au mien, ou es-tu d’un autre avis ?