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contre les barbares, il se trompait en la contestant. Ils montrèrent alors, en triomphant par les armes de la Grèce soulevée, en capturant les chefs des autres Grecs, qu’ils pouvaient battre par leurs propres forces ceux avec le concours desquels ils avaient battu les barbares.

XIV. — Une troisième guerre éclata après cette paix, guerre inattendue et terrible, où beaucoup de braves gens périrent qui reposent ici. Beaucoup d’entre eux tombèrent dans les parages de la Sicile, après avoir élevé une foule de trophées en combattant pour la liberté des Léontins, au secours desquels ils étaient venus dans ces régions, pour faire honneur à leurs serments. Mais comme la ville, arrêtée par la longueur du trajet, ne pouvait les soutenir, trahis par la fortune, ils renoncèrent à la lutte. Mais les ennemis mêmes qui les avaient combattus ont plus d’éloges pour leur modération et leur valeur que les autres n’en obtiennent de leurs amis. Beaucoup succombèrent aussi dans les batailles navales de l’Hellespont, après avoir pris en un seul jour tous les vaisseaux ennemis, et en avoir vaincu beaucoup d’autres. Mais en parlant du caractère formidable et inattendu de cette guerre, j’ai voulu dire que les autres Grecs en vinrent à un tel degré de jalousie contre cette ville qu’ils eurent le front de négocier avec leur plus mortel ennemi, le Grand Roi, qu’après l’avoir chassé en commun avec nous, ils le ramenèrent en traitant séparément avec lui, un barbare contre des Grecs, et de rassembler contre notre ville tous les Grecs et les barbares. C’est alors que parurent avec éclat la force et la valeur de la cité. Comme on la croyait désormais hors de combat et que sa flotte était bloquée à Mytilène, ses citoyens se portèrent à son secours avec soixante vaisseaux qu’ils montèrent eux-mêmes, et, déployant, de l’aveu de tous, un courage héroïque, ils battirent leurs ennemis et délivrèrent leurs amis, mais, victimes d’un sort immérité, ils reposent ici sans avoir été recueillis en mer. Souvenons-nous à jamais d’eux et louons-les ; car c’est leur courage qui nous assura le succès non seulement de cette bataille navale, mais encore du reste de la guerre. Grâce à eux, notre ville a gagné la réputation de ne pouvoir jamais être réduite, même par l’univers entier, réputation méritée, car, si nous avons été vaincus, c’est par nos propres dissensions, non par les armes d’autrui. Invaincus, nous le sommes encore même aujourd’hui devant nos ennemis : c’est nous-mêmes qui avons été les auteurs de notre défaite, c’est par nous-mêmes que nous avons été vaincus.

Lorsque à la suite de ces événements le calme fut rétabli et la paix conclue avec les autres États, la guerre civile qui éclata chez nous fut conduite de telle sorte que, si la discorde était fatale parmi les hommes, personne