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genre, par exemple de celle du joueur de cithare dans les concours 35 ?

CALLICLÈS

Si.

SOCRATE

Et l’instruction des chœurs et la composition des dithyrambes ? N’est‑il pas manifeste pour toi qu’elles sont aussi de ce genre ? Ou crois‑tu que Kinésias [1], fils de Mélès, songe à dire quoi que ce soit qui puisse améliorer ceux qui l’entendent, ou uniquement ce qui doit faire plaisir à la foule des spectateurs ?

CALLICLÈS

C’est évident, Socrate, en ce qui regarde Kinésias.

SOCRATE

Et son père, Mélès, quand il chantait en s’accompa­gnant de la cithare, crois‑tu qu’il avait en vue le bien ? Avait‑il même le souci de contenter les spectateurs, lui qui les assommait par son chant ? Mais songes‑y ; ne te semble‑t‑il pas que toute la poésie citharédique et dithy­rambique ait été inventée en vue du plaisir ?

CALLICLÈS

Si.

SOCRATE

Et cet auguste et merveilleux poème qu’est la tragédie, quel est son dessein ? Que veut‑il et à quoi s’applique‑t‑il ? Est‑ce uniquement à plaire aux spectateurs, comme je le crois ; ou bien, s’il se présente une idée agréable et flatteuse pour les spectateurs, mais mauvaise, prend‑il à cœur de la taire et de déclamer et de chanter au contraire l’idée qui est désagréable, mais utile, que cela plaise ou non ? De ces deux dispositions, quelle est, crois‑tu, celle de la tragédie ?

CALLICLÈS

Il est clair, Socrate, qu’elle tend plutôt à plaire et à flatter le public.

SOCRATE

Or n’avons‑nous pas dit tout à l’heure, Calliclès, que tout cela n’était que de la flatterie ?

CALLICLÈS

Assurément.

SOCRATE

Mais si l’on ôtait de quelque poésie que ce soit la mélodie, le rythme et le mètre, resterait‑il autre chose que des discours ?

CALLICLÈS

Non, certainement.

SOCRATE

'

  1. Kinésias était un poète dithyrambique, dont Aristophane a raillé le style extravaguant dans les Grenouilles, 153 ; les Nuées, 333 ; les Oiseaux, 1379. Le poète comique Strattis avait écrit contre lui une pièce qui avait son nom pour titre. Un autre poète comique, Phérécrate (fr. 145 K), le montre parmi ceux qui avait corrompu l'ancienne sévérité de l'art musical.