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pas s’y adonner jusqu’à en épuiser la matière, et que vous vous êtes conseillé les uns aux autres de prendre garde à ne pas vous gâter à votre insu, en devenant plus savants qu’il ne convient. Aussi, quand je t’entends me donner les mêmes conseils qu’à tes plus intimes camarades, je tiens cela pour une preuve décisive que tu es vraiment bien disposé pour moi. Que tu sois avec cela capable de parler franchement et sans fausse honte, tu l’affirmes toi-même, et le discours que tu as tenu tout à l’heure confirme ton affirmation. Voilà donc un point visiblement éclairci à présent : ce que tu m’accorderas dans la discussion sera dès lors considéré comme suffisamment éprouvé de part et d’autre et il ne sera plus nécessaire de le soumettre à un nouvel examen ; car, si tu me l’accordes, ce ne sera pas assurément par défaut de science ou par excès de timidité et tu ne me feras pas non plus de concession pour me tromper. Car tu es mon ami, c’est toi-même qui l’affirmes. Ainsi donc toute entente entre toi et moi sera par le fait la preuve que nous aurons atteint l’exacte vérité. Or de tous les sujets de discussion, Calliclès, le plus beau est celui que tu m’as reproché, qui est de savoir ce que l’homme doit être, à quoi il doit s’appliquer, et jusqu’à quel point, soit dans la vieillesse, soit dans la jeunesse. Pour moi, si je fais quelque faute de conduite, sois sûr que ce n’est pas volontairement, mais par igno­rance. Ne cesse donc pas de me donner des avis, comme tu as si bien commencé ; indique‑moi nettement quelle est cette profession que je dois embrasser et de quelle manière je peux y réussir et, si tu trouves qu’après t’avoir donné mon acquiescement aujourd’hui, je ne fais pas dans la suite ce que je t’aurai concédé, tiens‑moi pour un lâche et refuse‑moi alors tout conseil, comme à un homme qui n’est bon à rien. Mais reprenons les choses au commencement : qu’en­tendez‑vous, Pindare et toi, par la justice selon la nature ? Est‑ce le droit qu’aurait le plus puissant de prendre par force les biens du plus faible, ou le meilleur de commander au moins bon, ou celui qui vaut plus d’avoir plus que celui qui vaut moins ? Te fais‑tu de la justice une autre idée, ou ma mémoire est‑elle fidèle ?

CALLICLÈS

XLIII. — Oui, c’est cela que j’ai dit alors et que je dis encore.

SOCRATE

Mais est‑ce le même homme que tu appelles meilleur et plus puissant ? Je n’ai pas su comprendre alors ce que tu voulais dire. Est‑ce les plus forts que tu appelles meil­leurs et faut‑il que les plus faibles obéissent au plus fort, 488c-489a