62c Comment ! Je n’aurai pas le droit de parler aussi longuement qu’il me plaira ?
Tu jouerais vraiment de malheur, excellent Polos, si, venant à Athènes, l’endroit de la Grèce où l’on a la plus grande liberté de parler, tu étais le seul à n’y pas jouir de ce droit. Mais mets‑toi à ma place : si tu fais de longs discours sans vouloir répondre à mes questions, ne serai-je pas bien à plaindre à mon tour, s’il ne m’est pas permis de m’en aller sans t’écouter ? Cependant, si tu t’intéresses à la discussion que nous avons tenue et que tu veuilles la rectifier, reviens, comme je l’ai dit tout à l’heure, sur tel point qu’il te plaira, et, tantôt questionnant, tantôt questionné, comme nous avons fait, Gorgias et moi, réfute et laisse‑toi réfuter. Tu prétends sans doute savoir les mêmes choses que Gorgias, n’est‑ce pas ?
Oui.
Comme lui aussi, tu invites les gens à te poser toutes les questions qu’il leur plaît, étant sûr de savoir répondre ?
Certainement.
Eh bien, maintenant choisis ce qu’il te plaira, d’interroger ou de répondre.
XVII. — C’est ce que je vais faire. Réponds‑moi, Socrate. Puisque Gorgias te paraît embarrassé sur la nature de la rhétorique, dis‑nous ce qu’elle est à ton sens.
Me demandes‑tu quelle sorte d’art elle est selon moi ?
Oui.
Je ne la tiens pas pour un art, Polos, à te dire le vrai.
Mais alors pour quoi la tiens‑tu ?
Pour une chose dont tu prétends avoir fait un art dans le traité que j’ai lu dernièrement 14.
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