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roite ; or si Agathon s’assied à ta droite, il ne me louera pas à nouveau, n’est-ce pas ? avant d’avoir été loué par moi. Laisse-le donc faire, mon divin ami, et n’envie pas au jeune homme les louanges que je vais lui donner ; car je désire vivement faire son éloge.— Ah ! ah ! dit Agathon, il est impossible, Alcibiade, que je reste à cette place : je veux absolument changer, afin d’être loué par Socrate.— C’est toujours ainsi, dit Alcibiade : quand Socrate est là, il est impossible à tout autre d’approcher des beaux garçons. Voyez à présent encore comme il a trouvé facilement une raison plausible de faire asseoir celui-ci près de lui ! »

XXXIX. — Agathon se levait donc pour aller s’asseoir près de Socrate, quand soudain une grosse bande de buveurs se présenta à la porte, et, la trouvant ouverte par quelqu’un qui sortait, entra droit dans la salle du festin et prit place à table. Tout s’emplit de tumulte ; les convives n’obéirent plus à aucune règle et furent contraints de boire du vin à profusion. Alors Érixymaque, Phèdre et d’autres, dit Aristodème, se retirèrent. Quant à lui, cédant au sommeil, il dormit fort longtemps ; car les nuits étaient longues, et les coqs chantaient déjà, et le jour naissait quand il s’éveilla. En rouvrant les yeux, il s’aperçut que les autres dormaient ou étaient partis, et que, seuls, Agathon, Aristophane et Socrate étaient encore éveillés et buvaient à une large coupe qui circulait de gauche à droite. Socrate s’entretenait avec eux. Le reste de l’entretien avait échappé à Aristodème, car il ne l’avait pas suivi dès le commencement, parce qu’il s’était endormi ; mais en somme, dit-il, Socrate les avait amenés à reconnaître qu’il appartient au même homme de savoir traiter la comédie et la tragédie, et que, quand on est poète tragique par art, on est aussi poète comique. Forcés de le reconnaître, mais ne suivant plus qu’à demi, ils dodelinaient de la tête ; Aristophane s’endormit le premier, puis, comme il faisait déjà grand jour, Agathon. Socrate, les ayant ainsi endormis, se leva et s’en alla. Aristodème le suivit, comme il en avait l’habitude. Socrate se rendit au Lycée, et, après s’être baigné, y passa toute la journée à ses occupations ordinaires, puis il rentra chez lui pour se reposer.