Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée

conversent et s’entretiennent avec les hommes, soit pendant la veille, soit pendant le sommeil ; et l’homme savant en ces sortes de choses est un démoniaque, tandis que l’homme habile en quelque autre chose, art ou métier, n’est qu’un artisan. Ces démons sont nombreux il y en a de toutes sortes ; l’un d’eux est l’Amour. — De quel père, dis-je, et de quelle mère est-il né ? — C’est un peu long à raconter, répondit Diotime ; je vais pourtant te le dire.

Quand Aphrodite naquit les dieux célébrèrent un festin, tous les dieux, y compris Poros (49), fis de Métis (50). Le dîner fini, Pénia (51), voulant profiter de la bonne chère, se présenta pour mendier, car il n’y avait pas encore de vin, sortit dans le jardin de Zeus, et, alourdi par l’ivresse, il s’endormit. Alors Pénia, poussée par l’indigence, eut l’idée de mettre à profit l’occasion, pour avoir un enfant de Poros : elle se coucha près de lui, et conçut l’Amour. Aussi l’Amour devint-il le compagnon et le serviteur d’Aphrodite, parce qu’il fut engendré au jour de naissance de la déesse, et parce qu’il est naturellement amoureux du beau, et qu’Aphrodite est belle.

Étant fils du Poros et de Pénia, l’Amour en a reçu certains caractères en partage. D’abord il est toujours pauvre, et loin d’être délicat et beau comme on se l’imagine généralement, il est dur, sec, sans souliers, sans domicile ; sans avoir jamais d’autre lit que la terre, sans couverture, il dort en plein air, près des portes et dans les rues ; il tient de sa mère, et l’indigence est son éternelle compagne. D’un autre côté, suivant le naturel de son père, il est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est brave, résolu, ardent, excellent chasseur, artisan de ruses toujours nouvelles, amateur de science, plein de ressources, passant sa vie à philosopher, habile sorcier, magicien et sophiste. Il n’est par nature ni immortel ni mortel ; mais dans la même journée, tantôt il est florissant et plein de vie, tant qu’il est dans l’abondance, tantôt il meurt, puis renaît grâce au naturel qu’il tient de son père. Ce qu’il acquiert lui échappe sans cesse, de sorte qu’il n’est jamais ni dans l’indigence, ni dans l’opulence et qu’il tient de même le milieu entre la science et l’ignorance, et voici pourquoi. Aucun des dieux ne philosophe et ne désire devenir savant, car il l’est ; et, en général, si l’on est savant, on ne philosophe pas ; les ignorants non plus ne philosophent pas et ne désirent pas