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En disant tout le monde, est-ce des ignorants, dit-elle, que tu entends parler, ou des savants aussi ?— De tous à la fois.— Et comment, Socrate, reprit-elle en riant, serait-il reconnu comme un grand dieu par ceux qui prétendent qu’il n’est pas même un dieu ?— Qui sont ceux-là ? dis-je.— Toi le premier, dit-elle, moi ensuite. Et moi de reprendre : Que dis-tu là ?— Rien que je ne prouve facilement, réplique-t-elle. Dis-moi, n’est-ce pas ton opinion que tous les dieux sont heureux et beaux ? et oserais-tu soutenir que parmi les dieux il y en ait un qui ne soit pas heureux ni beau ? — Non, par Zeus, répondis-je.— Or les heureux, ne sont-ce pas, selon toi, ceux qui possèdent les bonnes et les belles choses ?— Assurément si.— Mais tu as reconnu que l’Amour, parce qu’il manque des bonnes et des belles choses, désire ces choses mêmes dont il manque.— Je l’ai reconnu en effet.— Comment donc serait-il dieu, lui qui n’a part ni aux belles, ni aux bonnes choses ?— Il ne saurait l’être, ce semble.— Tu vois donc, dit-elle, que toi non plus tu ne tiens pas l’Amour pour un dieu.

XXIII. — Que serait donc l’Amour ? dis-je ; mortel ?— Pas du tout.— Alors quoi ?— Comme les choses dont je viens de parler, un milieu entre le mortel et l’immortel.— Qu’entends-tu par là, Diotime ?— Un grand démon, Socrate ; et en effet tout ce qui est démon tient le milieu entre les dieux et les mortels (48).— Et quelles sont, dis-je, les étés d’un démon ? — Il interprète et porte aux dieux ce qui vient des hommes et aux hommes ce qui vient des dieux, les prières et les sacrifices des uns, les ordres des autres et la rémunération des sacrifices ; placé entre les uns et les autres, il remplit l’intervalle, de manière à lier ensemble les orties du grand tout ; c’est de lui que procèdent toute fa divination et l’art. des prêtres relativement aux sacrifices, aux initiations, aux incantations, et à toute la magie et la sorcellerie. Les dieux ne se mêlent pas aux hommes ; c’est par l’intermédiaire du démon que les dieux