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à de pareilles bagatelles et que personne encore parmi les hommes n’ait entrepris jusqu’à ce jour de célébrer Éros comme il le mérite ? Voilà pourtant comme on a négligé un si grand dieu ! »

Sur ce point Phèdre a raison, ce me semble. Aussi désiré-je pour ma part offrir mon tribut à Éros et lui faire ma cour ; en même temps il me paraît qu’il siérait en cette occasion à toute la compagnie présente de faire l’éloge du dieu. Si vous êtes de mon avis, ce sujet nous fournira suffisamment de quoi nous entretenir. Si vous m’en croyez, chacun de nous, en commençant de gauche à droite, fera de son mieux le panégyrique d’Éros , et Phèdre parlera le premier, puisqu’il est à la première place et qu’il est en même temps le père de la proposition.— Tu rallieras tous les suffrages, Érixymaque, dit Socrate ; ce n’est pas moi en effet qui dirai non, moi qui fais profession de ne savoir que l’amour, ni Agathon, ni Pausanias, encore moins Aristophane, qui ne s’occupe que de Dionysos et d’Aphrodite, ni aucun autre de ceux que je vois ici. Et pourtant la partie n’est pas égale pour nous qui sommes à la dernière place ; mais si les premiers disent bien tout ce qu’il faut dire, nous nous tiendrons pour satisfaits. Que Phèdre commence donc, à la grâce de Dieu, et qu’il fasse l’éloge d’Éros . »

Tout le monde fut naturellement de l’avis de Socrate et demanda qu’on fît comme il disait. De redire tout ce que chacun dit, je ne le pourrais pas ; car ni Aristodème ne s’en souvenait exactement, ni moi je ne me rappelle tout ce qu’il m’a dit. Je m’attacherai donc aux choses et aux orateurs qui me paraissent les plus dignes de mention, je vous redirai les discours de chacun d’eux, mais ceux-là seulement.


VI. — Phèdre, comme je l’ai dit d’après le rapport d’Aristodème, parla le premier et commença ainsi : «  C’est un grand dieu qu’Éros , un dieu digne de l’admiration des hommes et des dieux, pour bien des raisons, mais surtout pour son origine. Il a l’honneur de compter parmi les dieux les plus anciens, et la preuve, c’est qu’il n’a ni père ni mère et que ni prosateur ni poète ne lui en attribuent ; mais Hésiode affirme que le Chaos exista d’abord, « puis la terre au large sein, éternel et sûr fondement de toutes choses, et Éros (12). »

Pour lui, c’est donc après le Chaos que naquir