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qui places toute autre occupation avant la philosophie. — « Épargne-moi tes sarcasmes, dit-il ; dis-moi plutôt dans quel temps eut lieu cette réunion. — En un temps où nous étions encore enfants, répondis-je, lorsque Agathon remporta le prix avec sa première tragédie, le lendemain du jour où il offrit avec ses choreutes le sacrifice de victoire. — Alors cela date de loin, ce me semble, dit-il-, mais qui t’a raconté ces choses ? est-ce Socrate lui-même ? — Non, par Zeus, dis-je, mais le même qui les a racontées à Phénix, un certain Aristodème (3) de Kydathénaeon, un petit homme qui allait toujours pieds nus ; il avait en effet assisté à l’entretien, et, si je ne me trompe, Socrate n’avait pas alors de disciple plus passionné. Cependant j’ai depuis questionné Socrate lui-même sur certains points que je tenais de la bouche d’Aristodème, et Socrate s’est trouvé d’accord avec lui. — Eh bien ! reprit-il, raconte vite. La route qui mène à la ville est faite à souhait pour parler et pour écouter tout en cheminant. »

Dès lors nous nous entretînmes de ces choses tout le long de la route ; c’est ce qui fait, comme je le disais en commençant, que je ne suis pas mal préparé. Si donc vous voulez que je vous les rapporte à vous aussi, il faut que je m’exécute. D’ailleurs, de parler moi-même ou d’entendre parler philosophie, c’est, indépendamment de l’utilité que j’y trouve, un plaisir sans égal. Quand au contraire j’entends parler certaines personnes, et surtout vos gens riches et vos hommes d’affaires, cela m’assomme et je vous ai en pitié, vous leurs amis, de croire que vous faites merveilles alors que vous ne faites rien. Peut-être vous aussi, de votre côté, vous me croyez malheureux, et je pense que vous ne vous trompez pas ; mais que vous le soyez, vous, je ne le pense pas seulement, j’en suis sûr.

L’AMI D’APOLLODORE

Tu es toujours le même,

APOLLODORE

tu dis toujours du mal de toi et des autres, et l’on croirait vraiment, à t’entendre, que, sauf Socrate, tout le monde est misérable, toi tout le premier. À quelle occasion on t’a donné le sobriquet de furieux, je l’ignore ; mais ce que je sais, c’est que tu ne varies pas dans tes discours et que tu es toujours en colère contre toi et contre les autres, à l’exception de Socrate.

APOLLODORE