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maux, sinon, ils sont de nouveau emportés dans le Tartare, et de là dans les fleuves, et leur punition continue jusqu’à ce qu’ils aient fléchi ceux qu’ils ont maltraités ; car telle est la peine qui leur a été infligée par les juges. Enfin ceux qui se sont distingués par la sainteté de leur vie et qui sont reconnus pour tels, ceux-là sont exemptés de ces séjours souterrains et délivrés de cet emprisonnement ; ils montent dans une demeure pure et habitent sur la terre. Et parmi ceux-là mêmes, ceux qui se sont entièrement purifiés par la philosophie vivent à l’avenir absolument sans corps et vont dans des demeures encore plus belles que les autres. Mais il n’est pas facile de les décrire et le temps qui me reste à cette heure n’y suffirait pas.

Ce que je viens d’exposer, Simmias, nous oblige à tout faire pour acquérir la vertu et la sagesse pendant cette vie ; car le prix est beau et l’espérance est grande.

LXIII. — Soutenir que ces choses-là sont comme je les ai décrites ne convient pas à un homme sensé ; cependant, qu’il en soit ainsi ou à peu près ainsi en ce qui concerne nos âmes et leurs habitacles, il me paraît, puisque nous avons reconnu que l’âme est immortelle, qu’il n’est pas outrecuidant de le soutenir, et, quand on le croit, que cela vaut la peine d’en courir le risque, car le risque est beau ; et il faut se répéter cela à soi-même, comme des paroles magiques. Voilà pourquoi j’ai insisté si longtemps sur ce mythe. Ces raisons doivent rassurer sur son âme l’homme qui pendant sa vie a rejeté les plaisirs et les ornements du corps, parce qu’il les jugeait étrangers à lui-même et plus propres à faire du mal que du bien, et qui s’est adonné aux plaisirs de la science, et qui, après avoir orné son âme, non d’une parure étrangère, mais de celle qui lui est propre, j’entends la tempérance, la justice, le courage, la liberté, la vérité, attend en cet état son départ pour l’Hadès, prêt à partir quand le destin l’appellera. Vous, Simmias et Cébès, et les autres, ajouta-t-il, vous ferez plus tard ce voyage, chacun à votre tour et à votre temps ; pour moi, c’est en cet instant que la destinée m’appelle, comme dirait un héros de tragédie. C’est en effet à peu près l’heure pour moi d’aller au bain ; car je crois qu’il vaut mieux prendre le bain avant de boire le poison et épargner aux femmes la peine de laver un cadavre. »