Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/156

Cette page n’a pas encore été corrigée

double coudée plus grande que la coudée, parce qu’elle la dépassait de la moitié.

— Et maintenant, demanda Cébès, qu’en penses-tu ?

— Je suis loin, par Zeus, répondit Socrate, de croire que je connais la cause de l’une quelconque de ces choses ; car je n’arrive même pas à reconnaître, quand à un on a ajouté un, si c’est l’un auquel on a ajouté qui est devenu deux, ou si c’est celui qui a été ajouté et celui auquel on l’a ajouté qui sont devenus deux par l’addition de l’un à l’autre. Car c’est pour moi un sujet d’étonnement de voir que, lorsque chacun d’eux était à part de l’autre, chacun était naturellement un et n’était pas deux alors, et que, quand ils se sont rapprochés l’un de l’autre, ils sont devenus deux pour cette raison que la réunion les a mis l’un près de l’autre. Je ne peux pas davantage me persuader que, si l’on coupe l’unité en deux, ce fait de la division ait été aussi la cause qu’elle est devenue deux ; car voilà une cause contraire à celle qui tout à l’heure nous donnait deux ; tout à l’heure, c’est parce qu’ils étaient réunis l’un près de l’autre et ajoutés l’un à l’autre, et maintenant c’est parce que l’un est ôté et séparé de l’autre. Je ne puis plus croire non plus que je sais par quoi un est engendré, ni en un mot par quoi n’importe quelle autre chose naît, périt ou existe ; c’est l’effet de ma première méthode ; mais je me hasarde à en embrasser moi-même une autre et je repousse absolument la première.

XLVI. — Mais un jour, ayant entendu quelqu’un lire dans un livre, dont l’auteur était, disait-il, Anaxagore, que c’est l’esprit qui est l’organisateur et la cause de toutes choses, l’idée de cette cause me ravit et il me sembla qu’il était en quelque sorte parfait que l’esprit fût la cause de tout. S’il en est ainsi, me dis-je, l’esprit ordonnateur dispose tout et place chaque objet de la façon la meilleure. Si donc on veut découvrir la cause qui fait que chaque chose naît, périt ou existe, il faut trouver quelle est pour elle la meilleure manière d’exister ou de supporter ou de faire quoi que ce soit. En vertu de ce raisonnement, l’homme n’a pas autre chose à examiner, dans ce qui se rapporte à lui et dans tout le reste, que ce qui est le meilleur et le plus parfait, avec quoi il connaîtra nécessairement aussi le pire, car les deux choses relèvent de la même science. En faisant ces réflexions, je me réjouissais d’avoir trouvé dans la