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Voulant donc laisser un peu de relâche à Ménexène, charmé que j’étais d’ailleurs de ce beau désir de s’instruire chez Lysis, je repris avec lui la conversation : « Lysis, lui dis-je, je crois que tu as raison et que si nous avions mieux cherché, nous ne nous serions pas égarés de la sorte. Laissons donc cette route ; car pour moi notre recherche ressemble à une sorte de route. Il vaut mieux revenir à celle où nous ont déjà conduits les poëtes, qui sont en quelque façon nos pères et nos guides en fait de sagesse. Peut-être n’ont-ils pas parlé à la légère, lorsqu’ils ont prétendu, à propos de l’amitié, que c’est Dieu lui-même qui fait les amis et qui les conduit les uns vers les autres. Voici à peu près, je crois, comme ils s’expriment :

Un dieu conduit le semblable vers le semblable[1]


et le lui fait connaître. N’as-tu jamais rencontré cet adage ? — Non, dit-il. — Mais tu n’ignores pas l’opinion de ces sages qui ont dit à peu près dans les mêmes termes qu’il est de toute nécessité que le semblable soit l’ami du semblable ? Ce sont les mêmes apparemment qui ont écrit et raisonné sur la nature et sur l’univers. — Tu as raison, répondit-il. — Mais, dis-moi, ont-ils dit la vérité ? — Peut-être. — Peut-être la moitié de la vérité, et peut-être la vérité tout entière, répondis-je à mon tour ; mais nous ne les entendons pas. Le méchant, en effet,

  1. Vers et doctrine d’Empédocle. Voir Diogène Laërce, VIII, 76.