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à nous empêcher d’agir comme bon nous semble : non-seulement nous nous gouvernons nous-mêmes, mais encore nous gouvernons les autres, et nous gardons à la fois l’usage et le profit et tout ce qui leur appartient. Mais pour les choses dont nous n’aurons aucune expérience, personne ne voudra nous les laisser conduire à notre gré ; chacun même y mettra obstacle autant qu’il le pourra, non pas les étrangers seulement, mais aussi notre père, notre mère, et quelque autre parent plus proche encore s’il en était : nous serons esclaves des autres, et nos propres biens même ne seront pas à nous, puisque nous n’en retirerons aucun profit. M’accordes-tu tout cela ? — Oui. — Mais aimerons-nous quelqu’un et quelqu’un nous aimera-t-il par rapport aux choses où nous ne saurions être d’aucune utilité ? — Non, dit-il. — Ainsi ton père ne t’aimera pas eu égard aux choses où tu ne lui seras pas utile, et il en sera de même de tous les hommes, les uns vis-à-vis des autres ? — Je le crois aussi. — Si donc, mon enfant, tu deviens habile, tout le monde t’aimera, tout le monde s’attachera à toi, parce que tu seras un homme utile et bon. Sinon, tu n’auras pas un ami : ni ton père, ni ta mère, ni tes parents, ni aucun autre homme ne t’aimera. Et dis-moi, est-il possible d’être fier lorsqu’on ne sait rien, Lysis ? — Cela ne se peut pas. — Et si tu as besoin d’un maître, c’est que tu ne sais pas grand’chose ? — Oui. — Tu n’es donc pas fier, puisque tu n’es pas encore savant ? — Non, par Jupiter, répondit-il, je ne crois pas l’être.