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NOTICE

N’est-il pas plutôt un personnage légendaire que les dialogistes aimaient à mettre en scène ? Les σκυτικοὶ λόγοι : constituèrent fort probablement un genre à la mode au ve siècle, et le Simon, à qui plus tard on prêta généreusement toute une littérature, ne fut vraisemblablement que le héros de ces sortes d’écrits[1].

K. Joël prétend qu’Aristote connaissait déjà le περὶ δικαίου : il citerait et discuterait dans l’Éthique à Nicomaque l’aphorisme poétique utilisé par l’auteur du dialogue (374 a)[2]. Est-ce vraiment au περὶ δικαίου qu’Aristote fait allusion dans le passage allégué ? Ne songeait-il pas plutôt à un lieu commun de la littérature socratique, qui dut plus d’une fois se réclamer de l’aède en question ou d’un de ses semblables ?

Ce qui caractérise le dialogue pseudo-platonicien, c’est, en fait, la pauvreté artistique et la banalité des idées. On ne retrouve aucune pensée personnelle, aucune de ces expressions originales qui font le charme du moindre dialogue de Platon. Une série de développements, en cours dans les écoles du ve et du ive siècle, se soudent plus ou moins les uns aux autres, sans art et sans grande variété. En particulier, le thème que les mêmes actions peuvent être justes ou injustes, selon qu’elles ont pour objet des amis ou des ennemis (374 c et suiv.), a été traité par Platon au Ier livre de la République (331 c et suiv.), par Xénophon dans les Mémorables (IV, 2, 13 et suiv.) et par l’auteur des dissertations sophistiques connues sous le nom de δισσοὶ λόγοι. (Diels II, 83, 3). Le Clitophon nous apprend également que c’était une des thèses favorites du socratisme antisthénien. L’auteur du περὶ δικαίου précise un point : d’après lui, l’opportunité, le καιρός d’une action, sera la pierre de touche qui permettra de discerner la justice ou l’injustice de cette action (375 a et suiv.). Or, telle est aussi, comme l’a déjà remarqué H. Gomperz[3], la solution à laquelle paraît se rallier l’auteur des δισσοὶ λόγοι (II, 83, 12). En somme ce sont là idées banales et superfi-

  1. On cite des σκυτικοὶ λόγοι, ainsi qu’un dialogue intitulé Simon parmi les œuvres de Phédon. Diog. Laërce, II, 105. Voir Wilamowitz-Moellendorff, Platon I, p. 101 et suiv. ; Hermes, 14, 187.
  2. Der echte und xenoph. Sokrates I, p. 402. — Aristote, Éth. Nicom. Γ, 7, 1113 b 14.
  3. Sophistik und Rhetorik, p. 154.