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SECOND ALCIBIADE

ne pas réussir en tout, la faute n’en est pas à leurs prières, mais il dépend des dieux, j’imagine, d’accorder cela même qu’on demande ou le contraire. dMais je veux te raconter encore un autre fait, qu’un jour des anciens m’ont appris. Dans un différend survenu entre Athéniens et Lacédémoniens, il arriva que, sur terre et sur mer, notre ville fut malheureuse dans les combats et ne pouvait plus prendre le dessus. Alors, les Athéniens, irrités de la chose et ne sachant quel moyen imaginer epour détourner les calamités présentes, délibérèrent et jugèrent bon d’envoyer quelqu’un interroger Ammon[1]. Ils lui firent demander, entre autres choses, pourquoi les dieux accordaient la victoire aux Lacédémoniens de préférence à eux : nous, disaient-ils, qui de tous les Grecs apportons les plus nombreux et les plus beaux sacrifices, qui décorons leurs temples de nos dons, comme pas un autre peuple, qui célébrons annuellement en leur honneur les plus somptueuses et les plus solennelles processions et faisons plus de dépenses que tous les autres Grecs réunis. 149Quant aux Lacédémoniens, ajoutaient-ils, ils n’ont jamais eu souci de tout cela, mais ils sont si parcimonieux à l’égard des dieux qu’ils leur sacrifient toujours des victimes avariées et, en tout ce qui concerne le culte, sont beaucoup moins généreux que nous, bien que leur ville ne soit pas moins riche que la nôtre[2]. — Quand ils eurent ainsi parlé et demandé ce qu’ils

  1. Divinité d’origine égyptienne que les Grecs identifièrent avec Zeus. Célèbre par un temple à oracle élevé en son honneur, dans une oasis située au centre du désert de Lybie, aujourd’hui Siouhah. Les auteurs classiques rapportent différentes légendes qui ont trait à la construction du sanctuaire (cf. Hérodote, II, 42, 54, 55). Pindare a chanté le dieu (Pyth., 4, 16) et Alexandre alla lui demander le secret de son origine divine. Un des personnages du dialogue platonicien le Politique, Théodore de Cyrène, invoque « notre dieu Ammon » (257 b). On voit, par le témoignage d’Aristote, que cette divinité lybienne était en honneur à Athènes, à la fin du ive siècle (Constitut. d’Athènes, 61, 7).
  2. Aristote mentionne l’âpreté au gain et l’avarice des Lacédémoniens. D’après lui, il faut rejeter la cause de ce vice sur la législation imparfaite concernant les richesses, toutes concentrées en un petit nombre de mains. L’État lui-même était pauvre : « Les institutions relatives aux richesses communes, écrit le Stagirite, ont chez les Spartiates de fâcheux inconvénients, car ils n’ont pas de trésor