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SECOND ALCIBIADE

Alcibiade. — Comment le serait-elle, Socrate ? Car j’ai bien peur de m’être trompé tout à l’heure.

Socrate. — C’est aussi mon avis. Mais voici peut-être une autre façon d’envisager la question.

Alcibiade. — Par où ?


Degrés dans le
manque de bon sens.

Socrate. — Je vais te l’expliquer. Nous admettons qu’il y a des gens malades, n’est-ce pas ?

eAlcibiade. — Très certainement.

Socrate. — Te paraît-il nécessaire que tout malade soit ou podagre ou fiévreux ou atteint d’ophtalmie ? Ne penses-tu pas qu’il puisse, sans souffrir d’aucune de ces affections, avoir pourtant une autre maladie ? Car il y en a beaucoup d’autres certes, et celles-là ne sont pas les seules.

Alcibiade. — C’est bien mon avis.

Socrate. — Toute ophtalmie te semble-t-elle être une maladie ?

Alcibiade. — Oui.

Socrate. — Toute maladie est-elle donc aussi une ophtalmie ?

Alcibiade. — Pas du tout, à mon sens. Je ne vois pourtant pas très bien ce que j’affirme.

140Socrate. — Prête-moi ton attention et en cherchant à deux, peut-être trouverons-nous[1].

Alcibiade. — C’est ce que je fais, Socrate, autant que je puis.

Socrate. — Ne sommes-nous pas convenus que toute ophtalmie est une maladie et que cependant toute maladie n’est pas ophtalmie ?

Alcibiade. — Nous en sommes convenus.

Socrate. — Nous avons eu bien raison d’en convenir, à mon avis. Car s’il est bien vrai que tous ceux qui ont la fièvre sont malades, pourtant ceux qui sont malades n’ont pas tous la fièvre, ni tous la goutte, ni tous une ophtalmie, je suppose. bSans doute, toutes ces choses-là sont de la maladie, mais leurs effets sont différents, au dire de ceux que nous appelons médecins. Elles ne sont pas toutes semblables et n’agissent pas de la même manière, mais chacune suivant sa

  1. Parodie d’un vers d’Homère, Iliade, X, 224.