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SECOND ALCIBIADE

jusqu’à ce qu’il soit instruit de l’attitude qui convient (150 c, d).

Du reste, la piété est avant tout intérieure. Elle consiste moins dans des manifestations externes, processions, sacrifices, offrandes, que dans la sagesse et la justice de l’âme. Les dieux n’accueillent point les hommages des hommes pervers, mais ils se plaisent à recevoir ceux des hommes raisonnables qui savent conserver la rectitude morale dans leurs relations avec les dieux ou les hommes (149 e, 150 a, b). Cette conception éthico-religieuse de la piété à laquelle aboutit la discussion entre Socrate et Alcibiade ne s’écarte nullement des voies tracées par Platon. Ce dernier n’avait-il pas insisté aussi pour inculquer à tous les citoyens cette maxime « la plus belle et la plus vraie : de la part de l’homme vertueux, c’est une action louable, excellente, qui contribue infiniment au bonheur de sa vie et qui est tout à fait dans l’ordre, d’offrir aux dieux des sacrifices et de communiquer avec eux par des prières et des offrandes et un culte assidu ; mais à l’égard du méchant, c’est tout le contraire, parce que l’âme de celui-ci est impure, tandis que celle du juste est pure. Or, il ne convient pas à un homme de bien, à plus forte raison à un dieu, d’accueillir les dons présentés par une main souillée de crimes. Tous les soins que prennent les méchants pour gagner la bienveillance des dieux sont donc inutiles. Le juste, lui, y travaille avec succès » (Lois, IV, 716 c, d, e). Le second Alcibiade illustre ce principe en apportant l’exemple des Athéniens et des Lacédémoniens traités de façon si différente par le dieu qu’ils invoquaient (148 d et suiv.).

En somme, c’est, de part et d’autre, la même attitude religieuse, attitude hostile à toute forme de piété qui n’est pas l’expression d’une vie droite et honnête et qui ne s’édifie pas d’abord sur une vertu éclairée. La prière du Socrate pseudo-platonicien, d’inspiration pythagoricienne, n’est qu’une variété de la prière que le Socrate platonicien enseignait à Phèdre sur les bords de l’Ilissos : « Ô cher Pan, et vous, divinités de ces lieux, donnez-moi la beauté intérieure, et faites que tout ce que j’ai d’extérieur soit en harmonie avec mon intérieur. Que riche me paraisse le sage, et je souhaite pour moi l’abondance de richesse que seul un sage peut porter et conduire avec soi » (Phèdre, 279 b, c).