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NOTICE

sa faculté divinatoire et la comparant aux vaticinations de la prêtresse de Delphes : « Comment donc introduirais-je de nouvelles divinités en soutenant que la voix d’un dieu se manifeste à moi et me signifie ce qu’il faut faire ? Ceux qui se servent du chant des oiseaux et des oracles des hommes, appuient certainement leurs conjectures sur des voix. Peut-on douter que le tonnerre ne parle et ne soit un très grand augure ? La prêtresse de Delphes, sur son trépied, n’annonce-t-elle pas aussi par la voix les oracles qu’elle tient du dieu ? Que la divinité possède assurément la prescience de l’avenir et le prédise à qui il lui plaît, tout le monde, ainsi que moi, le dit et le pense. Mais il y en a qui appellent augures, oracles, présages, devins, ceux qui font les prédictions ; moi, je l’appelle une chose divine, et je crois, par cette dénomination, user d’un langage plus vrai et plus pieux que ceux qui attribuent aux oiseaux la puissance divine. La preuve que je ne mens pas contre la divinité, la voici : j’ai annoncé à nombre de mes amis les avertissements du dieu. Or, jamais je n’ai été surpris en délit de mensonge » (12, 13)[1].

Toutes ces déclarations supposent, sans doute, bien des anecdotes qui devaient se répandre dans les cercles socratiques et contribuaient à fortifier cette réputation de thaumaturge. Les documents parvenus jusqu’à nous sont relativement sobres. Mais nous savons que la renommée fut, comme toujours, généreuse. « Permulta collecta sunt ab Antipatro, quae mirabiliter a Socrate diuinita sunt », nous apprend Cicéron[2]. Donc, deux cents ans après la mort de Socrate, le stoïcien Antipater avait pu faire une riche collection de ces récits merveilleux : la légende allait s’embellissant et s’amplifiant. Cicéron raconte, par exemple, que le philosophe ayant vu un jour son ami Criton avec un œil bandé, lui demanda ce que c’était. Criton répondit que, se promenant à la campagne, il avait fait plier une branche d’arbre, et la branche s’étant redressée, l’avait frappé à l’œil.

    v. g. Mémorables, IV, 8, 5 ; Banquet VIII, 5, si toutefois le Banquet est authentique.

  1. Il semble bien que l’Apologie de Xénophon soit authentique, malgré les objections de plusieurs critiques, à la suite de Walckenaer. Voir les raisons en faveur de l’authenticité dans A. Croiset, Histoire de la littérature grecque, tome IV3, pp. 374, 375.
  2. De diuinatione, I, 54.