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LES RIVAUX

« Oui ».

« Qu’il s’agisse de chevaux ou de toute autre sorte d’animaux » ?

« Je l’avoue ».

« Quelle est donc la science qui, dans les cités, redresse ceux qui s’abandonnent au désordre ou transgressent les lois ? N’est-ce pas la science judiciaire »[1] ?

« Oui ».

« Y en a-t-il une autre que tu appelles aussi justice[2], ou est-ce la même » ?

« Pas une autre, mais c’est la même ».

e« N’est-ce pas la même science qui sert à redresser et à discerner les bons et les méchants » ?

« Oui, la même ».

« Et quiconque en discerne un, pourra aussi en discerner plusieurs » ?

« Oui ».

« Et qui ne peut en discerner plusieurs, n’en discernera pas non plus un seul » ?

« Je l’avoue ».

« Si donc un cheval ne peut discerner les bons et mauvais chevaux, il serait aussi incapable de discerner ce qu’il est lui-même » ?

« Je l’avoue ».

« Et un bœuf qui serait incapable de discerner les bons et mauvais bœufs, ne serait-il pas incapable aussi de discerner ce qu’il est lui-même » ?

« Oui », répondit-il.

« De même, s’il s’agit d’un chien » ?

Il l’accorda.

« Eh quoi ! Quand c’est un homme qui est incapable de discerner les hommes bons et méchants, 138ne sera-t-il pas inca-

    βελτίων τὴν ψυχὴν γίγνεται, εἴπερ δικαίως κολάξεται (477 a). Et un peu plus haut, Platon a expliqué que δικαίως κολάζειν équivaut à ὀρθῶς κολάζειν (476 e).

  1. Cf. le rôle de la δικαστική, comparée à la médecine, dans Républ., III, 409 e, 410 a.
  2. Le Socrate du Gorgias explique également que, lorsqu’on punit conformément à la raison, c’est grâce à la science de la justice, de même que l’on délivre de la pauvreté par l’art de la finance, ou de la maladie par la médecine (478 a).