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LETTRE XIII

doctrines. Qu’on se reporte néanmoins aux documents plus dignes de créance dont nous parlions plus haut. Platon, nous disent-ils, quitta Syracuse pour la seconde fois au moment où la guerre venait d’éclater. Il promit à Denys de revenir quand la paix serait rétablie et mit comme condition le rappel de Dion récemment exilé. Ses rapports avec le tyran ont été jusqu’ici corrects, plutôt sympathiques, mais jamais d’une intimité entièrement confiante. Au contraire, l’ami très cher, le confident, c’est Dion. Pour lui, Platon a entrepris le voyage de Sicile, pour lui également, et afin de faciliter son rapatriement, il acceptera de s’embarquer une troisième fois.

Or, le Platon qui se révèle à nous dans la 13e lettre est lié à Denys comme un courtisan vulgaire ; il fait figure de commissionnaire, d’homme d’affaires, plutôt que de maître de sagesse, soucieux de former un esprit. Il ne songe qu’aux intérêts matériels de son disciple, sans négliger les siens propres ; il puisera dans la bourse de son protecteur pour constituer une dot à ses nièces[1] ; il prévoit déjà et retient à l’avance dix mines en vue du monument funéraire dont il prévoit la construction au moment où sa mère mourra. Mais Platon, homme d’affaires, n’a pas encore réfléchi à ce que Platon législateur écrira quelques années plus tard dans les Lois (XII, 959 d) au sujet des frais de funérailles : on ne dépassera pas cinq mines pour les citoyens de première classe, trois pour ceux de seconde, deux pour ceux de troisième, et une pour ceux de quatrième.

Voici qui est plus grave : lui, l’ami de Dion, son défenseur, son guide, il n’hésite pas à se charger à son endroit d’une communication fort injurieuse, et cela comme de la chose la plus naturelle. On retournerait volontiers le reproche que lui fit un jour Denys : il prend vraiment plus à cœur les intérêts du tyran que ceux de Dion[2].

  1. La légende d’après laquelle Denys aurait doté les nièces de Platon a dû obtenir un certain succès. On en trouve un écho dans la 10e lettre apocryphe de Chion, Hercher, p. 199.
  2. Lettre VII, 349 e. Nous supposons avec assez de probabilité que la 13e Lettre fait allusion au renseignement fourni par Plutarque. Du reste, le seul fait de sonder Dion pour le compte de Denys, et d’accepter de traiter à son insu de ses affaires quelles qu’elles soient, est déjà suffisant.