Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.
lx
NOTICES

un plus grand mal, accepter la réconciliation avec le tyran déchu. Sans cela, les dissensions renaîtront incessamment, et ce sera la mort de la civilisation grecque. Donc, que les deux partis, le parti du peuple et celui qui est actuellement au pouvoir, s’entendent sur la forme du gouvernement. À tout prix, évitez le régime tyrannique : abolissez-en jusqu’au nom ; transformez-le en royauté tempérée, semblable à celle qui fut instituée par Lycurgue. Mais que le parti du peuple se garde bien, de son côté, de viser à établir un régime d’absolue liberté, ce mal terrible dont vos ancêtres ont tant souffert et dont l’inévitable conséquence est une réaction tyrannique.

2o À ces avis théoriques, Platon ajoute des conseils immédiatement pratiques. Pour leur donner, sans doute, plus d’autorité auprès de ses lecteurs, il les place sous le patronage de Dion, et, par un artifice littéraire dont il use aussi dans les Dialogues, il emprunte la voix du mort pour exprimer sa pensée : « Syracusains, dirait le chef disparu, soumettez-vous avant tout à des lois, à des lois supérieures aux gouvernants comme aux gouvernés et qui respectent la hiérarchie des valeurs, c’est-à-dire le point de vue moral, ou l’âme, en premier lieu ; le point de vue physique, ou le corps, en second lieu ; le point de vue matériel, ou les richesses, en dernier lieu, car les richesses doivent rester au service du corps et de l’âme. Au-dessous des lois et soumise à elles, établissez une autorité responsable, trois chefs honorés du pouvoir royal ; mon fils, en reconnaissance des bienfaits de mon père et des miens ; Hipparinos, le fils de Denys l’ancien, qui vient de vous délivrer de l’anarchie, et enfin Denys, chef actuel de l’armée ennemie, s’il accepte toutefois ces conditions et donne ainsi un gage de réconciliation, par amour de la patrie. Pour réaliser cet ordre nouveau, convoquez une assemblée qui fixera les lois et la constitution ; les rois auront surtout la haute direction du culte ; l’assemblée créera des gardiens de la loi, au nombre de trente-cinq, instituera des tribunaux spéciaux pour chaque sorte de délit et enfin choisira des juges.

« Tels étaient mes plans jadis, dirait en terminant Dion, tel me parait encore aujourd’hui le parti le meilleur pour vous. Hâtez donc par vos prières et par vos instances auprès de tous, amis ou ennemis, l’avènement d’un pareil régime. »