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NOTICES

tié tout en répandant parmi le peuple l’inquiétude et le mécontentement. Enfin, trouvant les esprits mûrs pour ses projets, il se décide à faire disparaître Dion et à se substituer à lui. Il organise le complot dans le détail, se prépare des complices sûrs, confie à son frère Philostrate un rôle important dans le drame[1] dont il restera l’acteur principal quoique invisible, et, quand tout est réglé, quand il a prodigué à sa future victime toutes les marques d’un tendre dévouement et croit avoir endormi ses soupçons, il donne le signal du meurtre. Il faut lire dans la savoureuse traduction d’Amyot, exacte, en somme, bien que large, le récit de Plutarque : « Comme Dion estoit assis devisant avecques aucuns de ses amis en une chambre, où il y avoit plusieurs licts à se seoir, les uns environnèrent la maison tout alentour, les autres se meirent aux huis et aux fenestres de la chambre : et ceulx qui devoyent mettre la main sur luy, qui estoyent soudards Zacynthiens, entrèrent dedans tous en saye sans espée. Si tost qu’ils furent entrés, ceulx de dehors tirèrent les portes après eulx, et les teindrent fermées de peur que personne ne sortist : et ceulx qui estoyent entrés, se ruèrent incontinent sur Dion, taschans à l’estrangler et l’estouffer : mais quand ils veirent qu’ils ne pouvoyent, ils demandèrent une espée. Personne de dedans n’osoit s’entremettre d’ouvrir les portes, combien qu’ils fussent plusieurs avec Dion : car chascun d’eulx pensoit, qu’en le laissant tuer il sauveroit sa vie et par ainsi ne l’osèrent secourir. Si furent les meurtriers longtemps à attendre sans rien faire : à la fin il y eut un Syracusain nommé Lycon, qui tendit une dague par la fenestre à l’un de ces Zacynthiens, de laquelle ils luy couppèrent la gorge, ne plus ne moins qu’à un mouton qu’ils tenoyent, longtemps y avoit, entre leurs mains tout esperdu de frayeur[2]. » Cet abominable assassinat avait été accompli à l’instigation d’un Athénien connu de Platon et des membres de l’Académie. Peut-être même cet Athénien avait-il été recommandé à Dion qui jadis avait logé chez lui. Pareille trahison souleva de dégoût l’âme du philosophe. Nous trouvons dans la 7e lettre un écho de ces sentiments : « Cette action hon-

  1. Cornélius Népos, 9.
  2. Plutarque, Dion, c. 57.