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NOTICE GÉNÉRALE

publiées par moi jadis, lorsque je suis déjà si loin de l’âge vigoureux, et qu’en produisant quelque œuvre plus médiocre, j’acquerrais une réputation bien inférieure à celle dont je jouis maintenant parmi vous » (lettre VI)[1]. La lettre III à Philippe se donne expressément dès le début comme un résumé voulu du discours intitulé Philippe[2]. Tous ces artifices de rédaction, si on y joint les allusions nombreuses au rôle littéraire et politique de l’orateur grec, cette affectation de simplicité qui recouvre la rhétorique de l’écrivain, me paraissent des indices très nets du but d’Isocrate dans quelques-unes de ses lettres ; il ne se contente pas d’atteindre un lecteur unique, mais il veut trouver crédit auprès des amateurs ordinaires du beau langage. Une partie de la correspondance d’Isocrate appartient à la littérature au même titre que les discours d’apparat.

Pourrions-nous dès lors rejeter a priori les lettres de Platon, sous prétexte qu’une masse d’apocryphes fut composée et publiée à une époque tardive ? L’exemple d’Épicure et surtout d’Isocrate nous prouve que les écrivains du iiie et du ive siècle avant Jésus-Christ aimaient d’exprimer leurs idées sous cette forme plus personnelle et plus vivante. Dira-t-on qu’il est invraisemblable que « Platon ait gardé lui-même copie de ses lettres dans sa bibliothèque personnelle » ou que ses correspondants aient conservé « ses communications, de telle sorte que cinquante ou cent ans plus tard il ait été possible à leurs héritiers de s’entendre pour répondre à un appel présumé des premiers éditeurs à Athènes ou à Alexandrie[3] » ? Non, si ces lettres, ou du moins les principales, peuvent être regardées comme des manifestes destinés précisément à la publication. Il n’y aurait donc rien d’étonnant à ce que Platon, à côté des Dialogues, genre littéraire très en vogue aussi à la même époque, ait choisi la lettre comme mode d’exposition. D’autant plus que le dialogue, — ceux de Platon

  1. Hercher, p. 328, 4.
  2. Hercher, p. 324, 1.
  3. Huit, La Vie et l’œuvre de Platon, Paris, Fontemoing, 1893. T. II, p. 313.