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LETTRE VII

moi à côté de cela. Quant à l’assassin de Dion, sans le savoir, il n’a pas agi autrement que Denys. Car Dion, j’en ai la certitude autant qu’un homme peut répondre des hommes, s’il avait possédé le pouvoir, n’aurait pas gouverné d’une autre façon que celle-ci ; quand il aurait eu d’abord 336 délivré de la servitude, nettoyé, habillé en femme libre Syracuse, sa patrie, il aurait employé tous les moyens possibles pour parer les citoyens des lois les meilleures et les mieux ajustées, en suite de quoi, il aurait pris à cœur de repeupler la Sicile et de la libérer des barbares, en expulsant les uns, en soumettant les autres plus facilement que n’avait fait Hiéron[1]. Que tout ceci eût été accompli par un homme juste, b courageux, en même temps que sage et philosophe, cette estime pour la vertu aurait gagné la grande masse, et si Denys m’eût écouté, répandue chez presque tous les hommes, elle les aurait sauvés. Mais en réalité, quelque démon ou quelque divinité vengeresse s’est abattue : par le mépris des lois et des dieux et surtout par l’audace de la sottise dans laquelle, pour tous, tous les maux poussent leurs racines, d’où ils croissent et dans la suite fournissent à qui les a produits un fruit d’une extrême amertume[2], — cette divinité a pour la seconde fois c tout renversé et détruit.

Mais pour l’instant, n’ayons que des paroles de bon augure, afin d’éviter les mauvais présages une troisième fois. Je ne vous en conseille pas moins, à vous ses amis, d’imiter Dion, son amour de la patrie et la sagesse de sa vie, d’essayer aussi, sous de meilleurs auspices, de réaliser ses desseins (vous avez clairement appris de moi quels ils étaient). Celui de vous qui ne peut vivre à la dorienne, à la manière des ancêtres, et veut

  1. Hiéron (478-466), succéda à son frère Gélon comme tyran de Syracuse. Cette ville acquit sous son règne un grand prestige. Hiéron vint au secours de Cumes attaquée par les Carthaginois et les Étrusques en 473 et dispersa la flotte ennemie dans une grande bataille navale que chanta Pindare (1re  Pythique, 136-155). Il s’empara de Naxos et de Catane, transporta les habitants à Leontinoi et les remplaça par 5 000 Syracusains et 5 000 colons appelés du Péloponnèse.
  2. L’ignorance est toujours considérée par Platon comme la source principale des maux et des fautes, — surtout l’ignorance qui s’ignore elle-même et prend aspect de science. C’est elle principalement qui est sottise et cause les plus fâcheuses calamités. — Voir Lois III 688 c-689 c ; IX, 863 c et suiv.