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LETTRE V

Peut-être qu’en m’entendant, on dira : « Platon, comme il paraît, prétend connaître ce qui est avantageux à la démocratie, et alors qu’il lui était possible de parler au peuple et de lui donner d’excellents avis, il ne s’est jamais levé pour faire entendre sa voix. » — À cela, réponds : Platon est né bien tard dans sa patrie, il a trouvé le peuple b déjà trop vieux et façonné par les ancêtres à toutes sortes d’habitudes de vie en opposition avec ses conseils. Ah ! certes, il eût été, en effet, trop heureux de les lui donner, comme à un père[1], s’il n’avait pensé que ce serait s’exposer en pure perte, sans autre chance de succès.

Je crois bien que mon conseiller lui-même n’agirait pas autrement. Si je lui faisais l’effet d’être incurable, il me tirerait sa belle révérence et se tiendrait en dehors de tout conseil me concernant, moi et mes affaires. Bonne chance.


  1. Ce thème est également développé dans Criton, 50 e, 51. Dans l’Apologie (31 d), Socrate se défend de s’être jamais mêlé de politique, car il était persuadé que ni lui ni le peuple n’aurait retiré quelque utilité de son intervention.

(Je ne mets pas la référence 322 c, puisqu’elle se trouve en réalité après la fin de la lettre : voyez Estienne.)