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LA RÉPUBLIQUE X

velles de ce monde souterrain et ils lui ordonnèrent d’écouter et d’observer ce qui se passait en cet endroit. Or il vit là les âmes qui s’en allaient par l’une et l’autre ouverture du ciel et de la terre, après avoir subi leur jugement, pendant que les deux autres ouvertures livraient passage, l’une à des âmes exténuées et poussiéreuses qui montaient du sein de la terre, l’autre à des âmes equi descendaient du ciel toutes pures ; et toutes ces âmes qui arrivaient successivement semblaient venir d’un long voyage ; elles gagnaient joyeusement la prairie pour y camper, comme dans une fête solennelle ; celles qui se connaissaient se saluaient réciproquement, et celles qui venaient de la terre questionnaient les autres sur ce qui se passait au ciel, et celles qui venaient Récompenses et punitions des âmesdu ciel sur ce qui se passait sous terre. Les unes racontaient leurs aventures en gémissant 615et pleurant au souvenir des maux de toute sorte qu’elles avaient soufferts et vu souffrir dans leur voyage souterrain, voyage qui dure mille ans[1] ; les autres, qui venaient du ciel, faisaient le récit de plaisirs délicieux et de spectacles d’une beauté infinie. Les nombreux détails de leur récit, Glaucon, demanderaient beaucoup de temps ; mais en voici d’après lui l’essentiel. Quel que fût le nombre des crimes qu’elles avaient commis, et celui des personnes qu’elles avaient lésées, elles expiaient tous leurs méfaits l’un après l’autre, et dix fois chacun d’eux, et chaque fois la punition durait cent ans, ce qui est la durée de la vie humaine, bafin que le châtiment fût décuple pour chaque crime. Par exemple ceux qui avaient causé la mort de beaucoup d’hommes, qui avaient trahi des États et des armées et les avaient jetés dans l’esclavage, qui avaient contribué à quelque autre catastrophe, avaient à subir des douleurs au décuple pour chaque crime. Ceux qui au contraire avaient fait du bien autour d’eux, qui avaient été

    κάτων καὶ ὄπισθεν κακὸν ἔλεγον, ὡς αὐτὸς Ἀριστοτέλης ἱστόρησεν ἐν τῆ τῶν Πυθαγορείοις ἀρεσκόντων συναγωγῇ. Ils appelaient bon ce qui est à droite, en haut, en avant, et mauvais ce qui est à gauche, en bas, en arrière, ainsi qu’Aristote lui-même l’a rapporté dans son recueil des doctrines pythagoriciennes.

  1. Cf. Virg., Én. VI 748-9. La période de 1 000 ans vient sans doute des Orphiques ou des Pythagoriciens.