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LA RÉPUBLIQUE X

C’est vrai.

Mais quand il y a dans l’homme deux poussées contraires dans le même temps à l’égard du même objet, nous disons qu’il y a nécessairement en lui deux parties.

Sans contredit.

L’une qui est disposée à obéir à la loi dans tout ce qu’elle peut prescrire.

Comment cela ?

La loi dit qu’il n’y a rien de plus beau que de conserver le plus de calme possible dans le malheur et de ne pas se révolter, parce qu’on ne sait pas ce qu’il y a de bon et de mauvais dans ces sortes d’accidents, qu’on ne gagne rien pour la suite à s’indigner, qu’aucune des choses humaines ne mérite qu’on y attache cbeaucoup d’importance[1], et que ce qui devrait venir le plus vite possible à notre secours dans ces circonstances en est empêché par le chagrin[2].

De quoi veux-tu parler ? demanda-t-il.

De la réflexion sur ce qui nous est arrivé, répondis-je. Ici, comme au jeu de dés, il faut contre les coups du sort rétablir sa position par les moyens que la raison démontre être les meilleurs, et, si l’on reçoit un coup, ne pas faire comme les enfants qui portent la main à la partie blessée et perdent le temps à crier ; il faut au contraire habituer constamment son âme à venir daussi vite que possible guérir ce qui est malade, relever ce qui est tombé et à supprimer les lamentations par l’application du remède.

C’est à coup sûr, dit-il, la meilleure conduite à tenir contre les coups de la fortune.

  1. Platon a repris et développé cette idée dans les Lois 803 b sqq. : « Quels sont les moyens et les dispositions d’esprit qui nous permettront de faire la traversée de cette vie dans les meilleures conditions, il faut l’examiner exactement. Or, les choses humaines ne méritent guère qu’on les prenne au sérieux, et cependant il faut les prendre au sérieux, etc. »
  2. Platon relève souvent l’intérêt du dialogue par quelque parole ou quelque question qui apparaît comme une énigme proposée à la sagacité de l’interlocuteur, et qui provoque l’étonnement et la curiosité. Quand il recourt à cet artifice, c’est pour signaler l’originalité d’une vue qui lui est personnelle. Cf. 347 où Socrate parle de la punition infligée à ceux qui refusent de commander.