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LA RÉPUBLIQUE IX

mer n’est-ce pas qu’ils relâchent et énervent cette même bête, en y faisant naître la lâcheté ?

Sans doute.

Et la flatterie et la bassesse, pourquoi sont-elles blâmées, sinon parce qu’elles asservissent cette même partie irascible à la bête turbulente et que celle-ci par son insatiable amour des richesses l’avilit et la change de bonne heure de lion en singe ?

cC’est cela, dit-il.

Et l’état d’artisan et de manœuvre, d’où vient, dis-moi, qu’il a quelque chose de dégradant ? En pouvons-nous donner une autre raison, sinon que, chez l’artisan, la meilleure partie est si faible par nature qu’il ne peut commander à ses bêtes intérieures, qu’il les flatte au contraire et ne peut apprendre autre chose qu’à les flagorner ?

Il y a toute apparence, dit-il.


Le meilleur doit
régler le pire.

Si donc nous voulons qu’un tel homme soit régi par une autorité semblable à celle qui gouverne l’homme supérieur, n’exigerons-nous pas dqu’il se fasse l’esclave de cet homme supérieur chez qui l’élément divin commande ? Mais, au lieu de penser pour cela que son obéissance doive tourner au préjudice de l’esclave, comme Thrasymaque le pensait de celle des sujets[1], nous croyons au contraire qu’il n’est rien de plus avantageux à chacun que d’être gouverné par un être divin et sage, soit que ce maître habite au-dedans de nous-mêmes, ce qui serait le mieux, soit au moins qu’il nous gouverne du dehors[2], afin que, soumis au même régime, nous devenions tous semblables et amis dans la mesure du possible.

Fort bien, dit-il.

Et la loi ne montre-t-elle pas précisément cette même intention, elle qui prête son concours eà tous les membres de l’État ? N’est-ce pas aussi notre but dans le gouvernement des enfants, que nous tenons dans notre dépendance jusqu’à

  1. Voyez I, 343 a sqq.
  2. Cf. Hésiode, Tr. et J. 293-5 : « Celui-là est l’homme complet qui toujours, de lui-même, après réflexion, voit ce qui, plus tard et jusqu’au bout, sera le mieux. Celui-là a son prix encore qui se rend