Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
586 c
72
LA RÉPUBLIQUE IX


XI  Et à l’égard de la partie irascible de l’âme, les choses ne se passent-elles pas de même, lorsqu’on la satisfait elle aussi et que l’envie animée par l’ambition, la violence par l’amour des honneurs, et la colère par l’humeur farouche poussent les hommes à se rassasier d’honneur, dde victoire et de colère sans discernement ni raison ?

Oui, dit-il, les mêmes choses doivent arriver à l’égard de l’élément irascible.

Eh bien alors, repris-je, hésiterons-nous à affirmer que, lorsque les désirs relatifs à l’intérêt et à l’honneur, obéissant à la science et à la raison, poursuivront sous leur conduite et atteindront les plaisirs que la sagesse leur indique, ils goûteront alors les plaisirs les plus vrais qu’il leur soit possible de goûter, parce que c’est la vérité equi les guide, et j’ajoute les plaisirs qui leur sont propres, s’il est vrai que ce qui est le meilleur pour chaque chose soit aussi ce qui lui est le plus propre[1] ?

C’est bien en effet, dit-il, ce qui lui est le plus propre.

Quand donc l’âme tout entière obéit à la partie philosophique, et qu’il ne s’élève en elle aucune sédition, il en résulte d’abord que chacune de ses parties se tient en tout dans les limites de ses fonctions et pratique ainsi la justice, et ensuite que chacune jouit des plaisirs qui lui sont propres, des plaisirs les plus purs et les plus vrais 587dont elle puisse jouir.

Sans nul doute.

Mais quand c’est l’une des deux autres parties qui commande, il en résulte qu’elle ne trouve pas elle-même le plaisir qui lui est propre, ensuite qu’elle force les autres parties à poursuivre un plaisir étranger et faux.

C’est ainsi, dit-il.

Et plus une chose s’éloigne de la philosophie et de la raison, plus elle est apte à produire de tels effets.

Certainement.

Mais ce qui s’écarte le plus de la raison, n’est-ce pas justement ce qui s’écarte le plus de la loi et de l’ordre ?

C’est évident.

  1. Aristote est ici d’accord avec Platon : « L’homme doit vivre selon la partie de lui-même qui est la meilleure. C’est par cette partie qu’il est lui-même : …ce qui est naturellement propre à chacun, c’est ce qui est pour lui le meilleur et le plus agréable. » Eth. Nic. X, ch. vii § 8 et 9.