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LA RÉPUBLIQUE IX

C’est inévitable.

Penses-tu pouvoir trouver dans quelque autre cité plus de lamentations, de gémissements, de plaintes et de douleurs ?

Aucunement.

Et dans tout autre individu crois-tu en trouver plus que dans l’homme tyrannique en proie aux fureurs des passions et de l’amour ?

Comment pourrais-je le croire, dit-il.

bOr c’est en considérant ces maux et d’autres pareils que tu as jugé qu’entre les cités celle-là était la plus malheureuse.

N’est-ce pas avec raison ? demanda-t-il.

Si, assurément, répliquai-je. Mais pour en revenir à l’individu tyrannique, que dis-tu, en voyant en lui les mêmes maux ?

Qu’il est, dit-il, de beaucoup plus malheureux que tous les autres hommes.

Sur ce point, repris-je, tu n’as plus raison.

Comment cela ? fit-il.

Selon moi, dis-je, il n’est pas encore aussi malheureux qu’on peut l’être.

Qui le sera donc ?

Tu trouveras peut-être celui-ci encore plus malheureux.

Lequel ?

cCelui qui, né tyrannique, ne passe point sa vie dans une condition privée, mais qui est assez malchanceux pour qu’un hasard funeste lui ait donné les moyens de devenir tyran.

Je conjecture, répondit-il, d’après ce que nous avons dit précédemment, que tu es dans la vérité.

Oui, répliquai-je, mais il ne faut pas conjecturer en pareille matière, mais bien éclairer la question en raisonnant comme je vais faire ; il s’agit, en effet, du plus grand intérêt, c’est-à-dire du bonheur ou du malheur de notre vie.

Fort bien, dit-il.

Vois donc si mon raisonnement mérite considération. Il me semble qu’il faut se représenter dla situation du tyran à la lumière d’un exemple.

Quel exemple ?

    guerre et la haine. Telle est l’origine qu’il faut attribuer à la discorde, partout où elle se produit. »